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Violence Conjugale.
MERCREDI 26 OCTOBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 64e partie
Emprunter le trajet ouvrant à des changements, c’est donc assumer et intégrer les manques et les limites reconnues chez soi et les autres, comme une partie du réel, mais en s’ouvrant aussi à un monde possible et susceptible d’être enrichi, comme autre partie du réel à léguer en héritage. Par ce processus, le sujet s’engage, plutôt que de blâmer la génération précédente, dans une démarche de responsabilisation face à lui-même; il accomplit ainsi un geste d’amour et de générosité envers ceux qui suivront.
L’intervenant, soucieux de travailler dans cette optique auprès du jeune ou de l’adulte, l’accompagnera dans son cheminement difficile tout en le supportant dans la prise de conscience des mécanismes de la répétition dans sa vie. Il l’assistera dans l’élaboration de son histoire, dans le deuil de son douloureux passé, en nommant l’angoisse devant l’inconnu et le non familier. Cet accompagnateur ne doit cependant pas être considéré comme celui qui réparera les blessures de l’enfance mais plutôt qui travaillera avec le sujet sur ce fait d’ « accepter de vivre avec son passé »; le considérer comme un sauveur implique le risque de se perdre à nouveau plutôt que de se rapprocher de soi.
Ce guide ou témoin devrait être évidemment préparé à un tel accompagnement; plus, il devra lui-même être engagé dans cette voie de la libération des fantômes de son propre passé qui, redisons-le, représente le travail d’une vie. En effet, c’est avec le temps que le présent, conjugué en temps réel et non plus confondu avec le passé, peut revitaliser et donner toute leur authenticité aux contacts entretenus avec autrui dans sa vie relationnelle, de même qu’à ses choix, voire à sa vision renouvelée du monde.
Toutefois, ce type d’intervention n’apparaît pas indiquée comme telle s’il s’agit de personne qui souffrent de problèmes importants de santé mentale, requérant une assistance plus spécifique en raison de la nature de leurs conflits intra psychiques, de leurs symptômes et de leurs mécanismes de défense.
L’être humain est une entité complexe : il peut subir des violences, il peut en infliger, en provoquer et en fabriquer. Il peut aussi les prévenir, les réparer, les soulager. Quand il dispose des ressources nécessaires, il peut mettre fin à un cycle répétitif de violences et décider d’évacuer les fantômes du passé pour pouvoir conjuguer sa vie au présenter et se choisir comme maître de sa destinée.
Ce mouvement chez celui qui s’engage dans la voie de la nouveauté comporte une sorte de vertige engendré par le « non posé devant le familier douloureux, et par le « oui » à l’inconnu angoissant. À partir du moment où la personne reconnaît l’infiltration de la répétition dans sa vie, un choix s’impose entre deux orientations possibles, soit s’installer dans la sécurité factice de la répétition, soit se livrer à la démarche exigeante qui conduit au changement. L’une et l’autre font vivre, de toute façon, une angoisse : l’une, stagnante, tout comme la récurrence du « souffrir », alors que l’autre, créatrice, peut ouvrir à la métamorphose du « vivre ». Cette angoisse associée au passage vers « autre chose » est, à juste titre, décrite par Juliette Favez-Boutonnier (1963), comme « l’émotion de la liberté ».
LUNDI 24 OCTOBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 63e partie
Reconnaître son vrai Soi et s’ouvrir à la différence
Se rapprocher peu à peu de ses désirs propres, de ses goûts, de ses aspirations. Se reconnaître le droit à la différence par rapport à ses antécédents et au système familial connu, en reconnaissant la part d’identification à des figures de son passé et en restant à l’écoute des autres. Trouver soi-même réponse à ses besoins plutôt que de l’attendre de figures parentales fabriquées par l’illusion. Choisir véritablement sa vie, autant dans ses relations affectives que dans ses activités, avec le minimum d’infiltration sournoise des fantômes du passé.
Faire le deuil de l’amour rêvé
Réaliser les limites, l’imperfection des objets d’amour et par conséquent, reconnaître les conditions réelles de son enfance, voilà l’étape la plus pénible et la plus longue dans ce processus. Il s’agit de faire le point sur ce qui a été difficile, pleurer le vide laissé parce qui n’a jamais eu lieu, vivre la colère et la tristesse liées aux manques. C’est aussi voir ses parents comme des humains eux-mêmes tributaires de leur passé. Vivre ce deuil implique donc pour le sujet la difficile prise de conscience de l’impossibilité de changer lui-même plutôt que de vouloir modifier son ou ses parents. C’est donc accepter de façonner son devenir avec ce qui a été et ce qui est, et non à partir de ce qui aurait dû être.
Comme dans tout processus de deuil, celui-ci soulève des émois souvent excessifs et difficiles à porter : révolte, solitude, tristesse, colère, culpabilité. Pour certains dont les pertes, les manques et les violences subis ont été très intenses, le deuil peut se transformer en mélancolie, en ce sens que le cours de leur vie sera d’autant alourdi par le boulet de ce passé par moments inassumable. S’engager dans une démarche personnelle présentera des exigences proportionnelles aux blessures subies, sans garantie de se libérer des fantômes du passé, avec des moments de résistance et de désespoir, et d’autres, d’ouverture et d’espérance. Le deuil porte en lui-même un visage mortuaire, mais offre aussi une facette vivante puisqu’il fait partie de la continuité de la vie.
Travailler ainsi pour soi, c’est aussi travailler pour sa descendance, en lui offrant un être plus vrai plus ouvert à la vie et à la souffrance malgré tout inévitable, mais qui sache d’autant mieux le guider sur le chemin de la découverte de soi.
Le changement ne se fait pas sans douleur. Entre le connu et le possible, le sujet affronte l’angoisse de « s’exposer », i.e. d’oser vivre pleinement le dérangement entraîné par la prise de conscience de soi et des autres, l’inquiétude d’être déloyal à certains moments, et des sentiments de culpabilité et de honte parfois lourds à soutenir. La voie de la transformation exige donc du courage et de la détermination, et aussi d’avoir foi et espoir dans la vie et dans un mieux-être.
SAMEDI 22 OCTOBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 62e partie
Comment alors subir ces violences sans que monte une colère, voire une rage intérieure qui cherche des issues pour éclater? « Ce qui est enfermé dans le cœur devient grande colère » dit un grand maître japonais. Certains êtres écorchés survivent : ils vivent dans leurs fonctions biologiques mais ils agonisent parfois dans leur vie psychique….Être mort vivant, ne pas pouvoir développer ses ressources endormies parce que le vécu d’enfant a dépassé les capacités d’absorption : n’est-ce pas là la pire violence qu’un être humain peut subir? Nous pouvons alors mieux comprendre que des victimes deviennent à leur tour bourreaux, qu’ils s’arment contre le ressentir douloureux et passent à l’attaque à leur tour, comme s’ils criaient dans l’agir : « Voyez ce qu’on m’a fait! »
Comment, alors, briser le cycle répétitif de cette course à relais d’une génération à l’autre? Des cliniciens chevronnés se sont penchés sur ce phénomène humain, à commencer par Sigmund Freud, puis Silma Fraiberg, Arthur Janov, Jack Lee Rosenberg, Alice Miller et d’autres. Touts ont parlé de l’importance de liquider les émotions liées au souvenir douloureux afin de pouvoir vivre enfin le présent d’une façon dégagée, et ainsi éviter de reproduire le scénario stérile.
Selon moi, la voie royale pour la prévention de la répétition intergénérationnelle est, par conséquent, de permettre aux enfants, dès leur jeune âge, de s’exprimer sur les événements qu’ils vivent et les émotions liées, leur livrant ainsi le message qu’il est permis de ressentir, et qu’il est bienfaisant d’exprimer ce ressentir pour s’en délivrer. La parole prend sens de communication; elle ne se limite pas à un langage utilitaire ou exhibitionniste. À chaque fois qu’elle se présente, une telle communication par la parole pleine devient un pas de plus vers la confiance dans les relations humaines, donc une prévention contre la fermeture sur et par là même, contre la répétition. Et la présence de cet espoir est essentielle lorsqu’arrive un coup dur.
Mais lorsque la répétition est déjà installée, l’antidote – i.e. le moyen de briser ce cycle de douleur subie et infligée – est, selon moi, l’engagement dans une démarche personnelle vers un changement de cap…démarche très difficile parce qu’elle implique un déséquilibre majeur entre le connu et l’inconnu : la personne désirant mettre fin à la reproduction de comportements problématiques se retrouve acculée à l’évidence de devoir effectuer des modifications importantes dans sa vie. Il s’agit d’une démarche lourde d’exigences en temps et en énergie, lourde aussi en conséquences; elle requiert souvent une aide professionnelle appropriée. Les trajets empruntés ne se font pas nécessairement de façon successive, mais ils représentent des portes d’accès possibles au changement:
Prendre conscience de la répétition
Constater l’emprise du cycle répétitif; être déterminé à en sortir, c’est d’abord prendre conscience de ce qui se rejoue dans sa propre vie et des moyens adoptés jusque là pour se protéger de la souffrance. En considérant ce qui est répété, comment où et avec qui, on peut dire que déjà, l’exorcisme du passé est commencé.
S’autoriser à se souvenir
Reconnaître son histoire, en revenant sur les faits passés, au risque de briser ainsi l’illusion d’une enfance totalement heureuse. Se souvenir des blessures subies (physiques, psychologiques), et peut-être aussi infligées à d’autres; mettre en images et en mots, sans minimiser, sans nier les passages difficiles; reconnaître les failles du système familial, les siennes aussi bien que celles des objets d’amour idéalisés….Cette démarche ne se fait pas sans un sentiment désagréable de manquement à la loyauté, mais aussi de reconnaissance de ses propres limites.
Toutefois, mettre à jour le passé ne le transforme pas ou ne l’efface pas; croire que le fait de s’en souvenir puisse en « débarrasser » le sujet, serait en nourrir une autre illusion tout aussi dommageable.
S’autoriser à ressentir
Retourner un passé laissé en suspens. Laisser monter les sentiments douloureux liés à certains souvenirs et les exprimer, c’est faire place au devenir, dégager un espace pour construire, vivre sa génération plutôt que d’emprunter les dédales tortueux et stériles transmis par la précédente.
JEUDI 20 OCTOBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 61e partie
INTRODUCTION
VIOLENCES HUMAINES
Je fais mienne la pensée de L. Doré.
« La vie est difficile » : c’est la première phrase du livre de Scott Peck, Le chemin le moins fréquenté, publié en 1978. Oui, la vie est difficile parce que chargée de contradictions, de paradoxes. Par exemple, la naissance est une mort à la chaleur enveloppante du nid maternel, à l’abri d’intempéries de toutes sortes, en même temps qu’elle est le signe sensible du renouvellement de la vie et de la continuité de la race humaine.
La vie est difficile aussi parce qu’au cœur de ces paradoxes, on y rencontre des violences, les unes plus dures que d’autres, certaines passagères d’autres persistantes, et parfois certaines sont traumatisantes. Personne n’est épargné, mais l’intensité varie d’une situation à l’autre.
La première violence au chœur de chaque histoire personnelle se trouve dans la séparation avec le corps maternel, après neuf (9) mois d’incubation dans le monastère utérin. C’est le choc avec l’extérieur : avec la lumière du jour, avec des bruits inhabituels, avec une nourriture différente, avec des sensations toutes nouvelles, sous des variations de température, hors de la stabilité climatique de l’utérus familier, entouré de plusieurs voix, de plusieurs bras, d’odeurs et de sons jusque là inconnus.
Dans la suite de sa naissance et tout au cours de son développement, le petit de l’homme doit apprivoiser la nécessité de s’adapter dans les efforts, et il doit se faire violence. Ainsi :
- le sein ou le biberon doit faire place au verre au lait réduit en matières grasses;
- Les mimiques ou les gestes ne suffisent plus; il faut comprendre les mots, les retenir et les dire;
- Le sommeil devient l’apanage de la nuit, et les repas se prennent à heures fixes, avec des outils que les grands appellent ustensiles;
- Le véhicule de déplacement ne réside plus dans les bras de maman ou de papa : c’est le « quatre pattes », puis la chambranle, puis le « deux pattes » dans toute sa fierté;
- Voilà que ça devient désagréable d’avoir les fesses enrobées et souillées, au point où il faut se décider à dire oui à la toilette;
- Et puis il ne faut pas toucher aux boutons du téléviseur, ni ouvrir les tiroirs du grand frère, ni frapper la petite sœur.
Puis commence l’école, les apprentissages successifs avec la nécessité de se concentrer….puis l’adolescence où on cherche sa place entre les plus jeunes et les adultes à qui on tente de ne pas ressembler.
Et on fait peu à peu connaissance avec le sens des liens, des déceptions, des insuccès, des brisures.
Mais tous ces efforts à frayer avec la vie se trouvent compensés par l’amour, l’amitié, l’affection, les succès, les réconciliations, les surprises, les célébrations….C’est la loi de l’équilibre vie/mort, réalisations/renoncements, qui permet à l’être humain de poursuivre sa route en créant des liens et en profitant de ses expériences. Ce faisceau de rayons tantôt lumineux tantôt ombrageux qui l’entoure, le maintient branché, et le fait témoin et acteur de la force et de la vitalité humaine.
Les réalités contemporaines fourmillent de violences ouvertes, dont l’éclatement de la famille nucléaire, le stress et l’insécurité au travail, les tensions inter-raciales, la menace des organisations criminalisées, les maladies mortelles, les cataclysmes, les guerres intermittentes, etc. Certaines réalités personnelles aussi viennent agresser le cours de la vie de chacun de nous, principalement les pertes importantes : décès d’êtres chers, séparation de couple ou d’amis, perte d’emploi, perte de capacités physiques ou psychologiques. Malgré tout, la race humaine traverse ces parcours et continue à vivre debout en appréciant les beaux sentiments, les œuvres d’arts, la fraîcheur des enfants, la beauté des paysages, les personnes au cœur bon. La grandeur de l’invisible nous permet de traverser ces paradoxes de la vie.
Mais le trop-plein arrive avec la démesure. Dans certaines familles ou pour certains individus, cet équilibre entre les renoncements nécessaires et les gratifications compensatoires est difficile à réaliser car le poids des violences subies et les blessures engendrées dépassent largement leur capacité humaine de les absorber. En effet, il est des violences caustiques que d’autres, qui en arrivent à décaper l’âme humaine, dans un cycle infernal de répétitions intergénérationnelles de souffrances aiguës. Les intervenants en relations humaines en savent quelque chose sur le ravage causé par les violences physiques et psychologiques subies par ceux et celles qu’ils tentent d’accompagner dans leur détresse issue de l’une ou l’autre ou de plus d’une des violences suivantes :
- être abandonné par un ou par ses deux parents;
- être privé de nourriture, d’hygiène, de chaleur, d’attention, de surveillance, d’affection;
- être agressé dans son intimité, sexuelle ou autre;
- être violenté physiquement;
- subir des agressions psychologiques;
- être témoin de violence, conjugale ou autre;
- être la cible de rejet attentif, voire d’indifférence de la part de ceux de qui l’enfant attend la vie psychique dans l’illusion qu’elle accompagne automatiquement la vie biologique;
- être plongé dans la solitude de celui qui ne sent pas sa place au soleil ni de regard aimant sur son individualité.
MARDI 18 OCTOBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 61e partie
Les technologies du soi.
Les hommes violents ont besoin d’apprendre les technologies du soi. Vers la fin de sa vie, Michel Foucault se disait de plus en plus fasciné par l’étude des technologies du Soi, c'est-à-dire des diverses façons qu’ont eues les êtres humains au cours des siècles d’agir sur eux-mêmes, sur leur corps, leur esprit, leurs pensées et leur façon d’être, dans le but spécifique d’atteindre un état de bonheur, de pureté, de sagesse, de perfection ou d’immortalité.
Ces technologies du soi, disait-il, supposent et impliquent des pratiques d’entraînement et de formation des individus—des pratiques du Soi—non seulement dans le sens plus évident d’une acquisition de certaines compétences corporelles ou de certains talents personnels, mais aussi dans le sens d’une acquisition de certaines attitudes envers soi. Ces technologies du soi sont en quelque sorte des techniques de constitution et de domination de soi, en d’autres mots, des techniques de subjectivation. Par techniques de subjectivation, Foucault entend donc cette opération par laquelle « les individus se prennent eux-mêmes comme objet de connaissance et domaine d’action afin de se transformer, de se corriger, de se purifier, de faire son salut ». Comme l’explique Deleuze, alors que le pouvoir chez Foucault implique un rapport de la force avec d’autres forces, la subjectivation implique « un rapport de la force avec Soi » (Deleuze, 1990, P. 127 )
Deleuze nous rappelle que Nietzsche voyait dans ce rapport à Soi l’ultime dimension de la volonté de puissance, le vouloir artiste (voir Deleuze, 1990, p. 160). Chez Foucault, cette subjectivation trouve son origine chez les Grecs et se poursuit de façon différente chez les Chrétiens. Elle fait partie intégrante de « la production des modes d’existence ou styles de vie » et contient aussi une dimension profondément esthétique. Jean Pierre Vernant abonde dans ce sens : « Ce que Foucault identifie comme étant cette culture de soi, ce travail de soi sur soi, cette fabrication de soi à travers ces techniques que sont exercices spirituels, examens de conscience, efforts de remémorisation, etc, » chez les Grecs et puis chez les chrétiens, constituaient alors, et pourraient se transposer aujourd’hui en un véritable esthétique de l’existence. » (1989, p. 267 )
Y-a-t-il un Soi ou un processus de subjectivation dans les techniques d’exercices spirituels? Nous proposerons donc ici une réponse à cette question en examinant certains exercices physiques ou spirituels, comme forme spécifique du rapport à Soi, pouvant aider les hommes à mieux se rencontrer émotionnellement. Comme technologies de Soi, le Karaté-do, pour les hommes violents peut être une esthétique de vie ou un mode d’existence
Nous avons rejoint ici la définition de base que Foucault donne des « technologies de Soi. », soit les diverses façons qu’ont eues les êtres humains au cours des siècles d’agir sur eux-mêmes, sur leur corps, leur esprit, leurs pensées et leur façon d’être, dans le but spécifique d’atteindre un état de bonheur, de pureté, de sagesse, de perfection ou d’immortalité. Toute technologie de Soi peut cependant être employée à d’autres fins que cette esthétique de vie identifiée ici par Foucault.
Pour ceux et celles qui pratiquent cet art traditionnel ( karaté-do, le kata et les arts budo) régulièrement et pendant des années, est vécu comme une véritable technologie d’amélioration et de construction du Soi où ils recherchent, connaissent le discours, et acquièrent une confiance accrue de meilleures relations avec les autres, la maîtrise de l’agressivité, la force et la souplesse de caractère. Ces techniques ( karaté-do, le kata et le budo) sont vécues comme forme d’absorption totale du soi où corps et esprit sont en parfait accord. Comme tout art, le kata est compris comme une forme de construction et d’expression de Soi à travers des techniques artistiques qui deviennent fondamentalement Soi. Ce soi n’est pas un concept, mais une expérience qui surgit…, il ne s’agit pas d’un soi égocentrique, mais d’un soi actif, vigilant éveillé, réceptif, intégré à son environnement : Ses mains et ses pieds sont les pinceaux; l’univers entier est la toile sur laquelle il peint pendant 70, 80, ou même 90 ans.
L’homme qui s’adonne au karaté devient un homme libéré, il devient l’homme de toutes les femmes. À travers ces techniques, hommes et femmes semblent avoir relié dans leur propre « Soi » deux opposés apparents de notre société : la fermeté et la souplesse, ou encore la force de caractère et la sensibilité.
On termine avec une parabole Zen. Un guerrier Samourai vient affronter un moine en lui demandant si le ciel et l’enfer existent. Le moine l’écoute et, en réponse l’insulte en lui disant qu’il est trop stupide pour comprendre. Vexé, insulté, le guerrier tire son épée pour le châtier. Le moine, en le voyant, s’exclame : « C’est ici que s’ouvrent les portes de l’enfer! » montrant l’épée brandie. Surpris, le Samourai s’arrête, réfléchit un instant et replace lentement dans son fourreau l’épée. « C’est ici que s’ouvrent les portes du ciel! », de déclarer alors le moine. Cette allégorie, bien connue des pratiques du budo, suggère que pour ce qui est du processus de subjectivation dans ces techniques, le véritable Soi, le soi « esthétique » est celui qui surgit, dans son choix du non-soi.
Harmoniser son esprit avec son corps.
Être capable de reconnaître et de ressentir à la fois la conscience de l'esprit et celle de la forme constitue le premier pas à effectuer dans le processus de transformation conciente de la forme charnelle afin qu'elle adhère à l'esprit.
C'est un peu comme vivre avec deux personnes en toi.
Il se peut que l'esprit veuille galoper en tête, aussi doit-il apprendre à avancer à l'allure qui convient à la forme.
L'homme violent a besoin de créer un équilibre intérieur
Par un exercice comme celui là.
Il s'agit de s'asseoir confortablement, le dos droit, il doit fermer les yeux et se détendre complètement.
D'imaginer une longue corde de la base de la colonne vertébrale descendant jusqu'au sol et s'enfonçant dans la terre. Cela s'appelle une corde de prise de terre.
A présent, imaginer l'énergie de la terre circulant à travers cette corde, irrigant toutes les parties de son corps, s'en échappant par le sommet de la tête.
Puis, imaginer l'énergie du cosmos s'écoulant à travers l'extrême de son crâne, traversant son corps, descendant par la corde de prise de terre jusqu'à ses pieds et pénétrant la terre. Sens ces deux courants se diriger dans des directions différentes et se mêler harmonieusement dans son corps, cela engendre un équilibre qui augmente la sensation de bien-être, la puissance d'expression.
DIMANCHE 16 OCTOBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 60e partie
Comprendre notre fonctionnement de notre système d’alarme pour mieux s'armer contre le stress

Nous avons vu les réactions physiologiques engendrées par la peur. Mais comment donc cette peur nous est-elle signalée? Quel est le processus qui déclenche ce système d’alarmes? Le croquis illustre les différentes voies suivies par l’information :
- L’organe sensoriel (1) envoie un influx d’alarme au cortex (écorce cérébrale, 2).
- Dans le cortex se déroule qu’au stimulus d’alarme, nous associons l’information « danger ».
- À la réception des signaux d’alarme, des émotions de peur apparaissent dans l’hypothalamus (3), zone à la base du cerveau qui est le siège de centres supérieurs du système neuro-végétatif.
- Ces émotions sont transmises à l’hypophyse (4), une glande située sous le cerveau.
- Celle-ci sécrète une hormone – l’ACTH (corticostimuline) – directement dans le circuit sanguin (5).
- Les deux glandes surrénales (6) surmontant les reins réagissent à l’ACTH contenu dans le sang et sécrètent à leur tour des hormones, en particulier de l’adrénaline.
- Cette hormone (7) oriente l’organisme vers une réaction de combat ou de fuit. Simultanément, le stimulus d’alarme a activé notre système neuro –végétatif par l’intermédiaire de l’hypothalamus.
- Cette surexcitation de tout l’organisme (8) est signalée au cerveau. (C’est ainsi que, par exemple, nous nous rendons compte de l’accélération de notre rythme cardiaque.)
- Mais ces informations d’excitation sont surtout transmises au tronc cérébral, dont une partie constitutive, la formation réticulaire (9), émet des impulsions vers l’écorce cérébrale.
- Ces impulsions provenant de la formation réticulaire excitent l’écorce cérébrale. Celle-ci est donc un summum de sa réceptivité, elle « s’éveille ». On atteint ainsi un état de vigilance maximale : toutes les données informatives émises par l’environnement sont captées et traitées avec une grande précision.
Nous voici prêt à réagir face au danger. Grâce à son état de surexcitation, le cortex favorise au maximum la réception et le traitement des éléments d’information. Il provoque par conséquent un comportement et que nos capacités motrices sont pleinement utilisées. C’est l’orthosympathique qui, aidé des hormones surrénales, nous a fourni l’énergie nécessaire.
Rester sensible à nos émotions est une garantie efficace "
Il faut apprendre à reconnaître nos émotions. (voir croquis)
On a souvent l'impression que nos émotions peuvent nous ébranler et nuire à notre objectivité : surtout lorsque les enjeux sont importants.
Il faut comprendre que les émotions constituent d'abord un système d'information. Elles nous renseignent sur nos besoins, l'urgence d'y répondre et l'efficacité des moyens que nous prenons pour les combler.
Évidemment on utilise plus volontiers nos émotions dans nos relations parce que nous sommes plus sensibles à l'importance de nous occuper de nos besoins dans notre vie privée.
Dans le domaine affectif, s'informer adéquatement de ce qui se passe en nous permet de comprendre notre situation dans son ensemble: nos besoins, nos réactions face à l'autre.
Ce système d'information tient compte de l'ensemble de nos priorités et nous aide à nous diriger.
Face à nos sensations, personne ne songerait à se priver de ses sensations. Si je ne voyais pas, n'entendais pas, si je ne sentais pas le sol sous mes pieds, il me serait impossible de garder mon équilibre en marchant.
Les émotions jouent un rôle identique sur le plan psychologique. Il faut faire une différence entre ressentir les émotions et les exprimer et à les ressasser, on ne risque pas d'être paralysé par elles, c'est une garantie d'efficacité que de rester sensible à ses émotions. Faisons confiance à nos émotions, qu'on leur permet de se développer, on va finir par trouver ce qui cloche.
L'homme violent a de la difficulté avec ses émotions et il doit comprendre quand on refuse d'identifier ses émotions, notre malaise ne disparaît pas, mais il devient inutilisable.
Nos émotions sont nos signaux d'alarme, il y a des choses importantes dont on ne s'occupe pas et il faudrait y voir. Dans un premier temps, on va ressentir du stress, de l'angoisse. Les hommes qui préfèrent éviter leurs émotions vont avoir tendance à continuer de les éviter.
Dans un deuxième temps, ils vont développer des symptômes connexes, une phobie par exemple.
Ils ont une peur incontrôlable de tout. On fait traiter la phobie, on la fait disparaître à l'aide de médicaments, mais ce n'est pas le vrai problème et le déséquilibre intérieur reste entier.
Finalement, c'est l'organisme physique qui va finir par en subir les conséquences.
On va développer un ulcère d'estomac ou des problèmes cardiaques.
À cette étape là, il est trop tard pour retrouver les traces du problème initial.
C'est le prix que l'on paye quand on passe par dessus ses émotions. C'est comme une peine d'amour: c'est dur, c'est épouvantable, la vie n'a plus de sens...pendant un certain temps. Ça se termine relativement vite si on laisse nos émotions prendre toute la place. L'homme violent a peur de se laisser aller parce il a peur de ne plus s'en sortir.
Mais se laisser aller à sa tristesse, par exemple, ça ne veut pas dire qu'il faut pleurer continuellement, il faut aller au fond de sa tristesse pour faire le travail exploratoire qui va nous permettre de comprendre pourquoi on a échoué...et pour passer à autre chose. De plus. ce n'est pas parce qu'on s'exprime beaucoup qu'on est d'avantage branché sur ses émotions et la société continue à dresser toutes sortes de barrières.
Aujourd'hui, c'est très risqué pour un homme d'avoir un comportement appréciateur par rapport à une femme. Le moindre compliment peut être interprété comme de la condescendance ou du harcèlement.
On se retrouve sous un univers où tout le monde essaie d'avoir l'air asexué et on perd beaucoup au change.
On se prive d'une énergie, d'un enrichissement qui devrait être l'apanage des groupes mixtes.
Quand il n'y a plus d'émotions, il n'y a plus de vitalité.
JEUDI 13 OCTOBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 59e partie

L’AMOUR EN GUERRE
La relation de couple ne peut pas être une zone de guerre où chacun cherche par la voie de la force et de la domination à contraindre l’autre. La violence et la guérilla émotionnelle ne peuvent pas être la base de la vie conjugale. Je fais quelque chose que tu n’aimes pas et ensuite tu fais quelque chose que je n’aime pas pour me faire mal et me faire payer ce que je t’ai fait. Un tel cercle vicieux ne mène qu’au conflit perpétuel et à la rupture. On vient à accumuler tant de colère et de rancœur qu’on ne peut plus rester ensemble.
Alors comment puis-je mettre fin à ce cycle de conflits sans fin? Il faut se réveiller et se rendre compte que l’on est responsable de son bonheur et du bonheur de l’autre, et poser les armes. Lorsqu’un des conjoints cesse de faire la guerre, l’autre doit inévitablement cesser le feu. Il faut tenir le coup sans retrouver nos vieilles habitudes. Éventuellement, en faisant preuve de patience, en rétablissant la communication et en sachant pardonner, on pourra rétablir l’harmonie au sein du couple.
MARDI 11 OCTOBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 58e partie
Ross (1995) insistait pour dire qu’un processus d’autonomie demande trois grandes qualités pour son épanouissement :
- Une capacité de s’autodiscipliner (ne pas dire n’importe quoi, n’importe où et n’importe comment).
- Une capacité de s’auto-évaluer (anticiper et juger la portée de ses actes).
- Une capacité d’établir des relations égalitaires (la démocratie ne doit pas rester qu’un mot).
L’homme violent doit savoir que l’autonomie ne s’achète pas mais s’acquiert à l’intérieur du chemin ponctué d’efforts, d’opportunités et de compromis.
Quelques outils lui permettant de transformer ses certitudes, ses a prioris qui le restreignent à son insu pour l’amener à des pensées en accord avec ses buts profonds et à des perceptions élargies de la réalité. Donc, comment gérer notre colère.
La colère est une émotion juste, valable, pertinente. La colère a une valeur positive et vous êtes tout à fait en droit d’éprouver ce sentiment. Il faut la renforcer afin d’en favoriser l’expression.
Gestion de la colère
Aide mon autonomie

Éléments déclencheurs d’une colère


Moi j’ai tendance à….
DIMANCHE 9 OCTOBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 57e partie
La revue de Presse nous montre clairement que la souffrance humaine a tous les visages, celui de la détresse physique, mais aussi celui de la détresse psychologique. Homme et femme modifient les émotions, souvent à l'origine du comportement qu'ils souhaitent transformer. Cette prise de conscience dévoile les mécanismes de défense mis en place pour anesthésier, fuir, éviter. Le sujet comprend comment ces mécanismes sont eux-mêmes à l'origine des manques de confiance, culpabilités, agressivités qui dégradent ses relations, ses motivations, se répercutent sur son état de santé mentale et l'incitent à reproduire sans cesse le même cycle. Les deux doivent créer leur liberté, créer la liberté en dehors du manque, remplacer la compensation par la communication, s'affranchir des réflexes compensatoires issus de l'enfance et intégrer les changements au quotidien et dans la réalité, apprendre le soutien, la confiance.
"L'homme connaît le monde non point par ce qu'il y dérobe, mais par ce qu'il
y ajoute."
- Paul Claudel
La littérature nous démontre que la rupture avec le partenaire violent survient, suite à l’installation d’un rapport de force, basé sur la peur. L’enjeu pour le client est d’admettre cette situation qu’il a créée et de concevoir à partir de maintenant une disponibilité nouvelle à l’établissement de relations égales, exemples de toute domination.
Crise Adulte
Confrontée à des adultes, qui pour la plupart ont subi des sévices ou crises importantes dans leur enfance, l’expertise actuelle nous indique que la majorité de notre clientèle n’a pas résolu cette première phase importante de la vie d’adulte *le déracinement*. Nous sommes d’avis comme plusieurs spécialistes en violence conjugale que le passé de l’individu ne justifiera jamais quelques formes de violence que ce soit. Toutefois, nous sommes enclins à penser que le travail thérapeutique à exercer doit se faire à partir de la non-résolution de cette première étape cruciale « d’une vie à deux ».
Par « déracinement », nous faisons allusion aux travaux de Gail Sheeny « Passages » qui, poursuivant les travaux d’Érikson, mais cette fois, sur les étapes du développement de l’adulte qu’elle qualifie de crise, identifie les 5 phases majeures de tout adulte qui, si bien résolues deviennent des passages.
Cette période (déracinement 18-22 ans) correspond au moment où l’individu quitte ses parents et commence à vivre son indépendance financière, émotive et sociale. Le jeune adulte vit alors de nombreuses craintes et inaptitudes mais garde souvent une façade de confiance en prenant ouvertement des risques. Il s’agit d’une crise d’identité importante et ceux qui ne réussissent pas à quitter leur famille d’origine pour se retrouver comme individus indépendants, devront, de toute façon, le faire plus tard. Comme Érikson, Sheeny affirme que chaque crise doit être résolue. Si elle est évitée, elle surgira plus tard à un moment où les décisions seront plus difficiles à prendre.
Se référant aux grandes caractéristiques ou profil du conjoint violent (voir annexe I), nous ne pouvons faire abstraction de cette dynamique mal résolue. C’est pourquoi, nous sommes en mesure de faire un parallèle avec cette étape cruciale du déracinement et ce conflit initial qui sont souvent répertoriés en violence conjugale dès la première relation de couple. Ce schème de référence induira de nombreuses interventions cliniques lors de la période de la prise de conscience pour l’homme et de son fonctionnement en relation de couple.
EN AIDANT UN HOMME VIOLENT IL FAUT AVOIR DES OBJECTIFS SPÉCIFIQUES
a) Responsabiliser l’homme agresseur sur ses gestes, attitudes et propos en cessant toutes formes de violence grâce à son implication rapide et soutenue durant toute la durée de la thérapie.
b) Lui assurer un encadrement de support clinique afin de le centrer constamment sur sa personne et non plus sur sa conjointe et/ou ses enfants (re : cycle, escalade, prise de conscience de sa violence vers la découverte des signes précurseurs et éventuellement de nouveaux moyens.)
c) Voir à sensibiliser, stabiliser et maintenir des comportements acceptables à l’aide d’un milieu thérapeutique conforme aux besoins appréhendés : (ex : groupe thérapie, counselling individuel, structure de confidences et de dialogues, visites supervisées avec conjointe et/ou enfant si jugé(e) pertinent).
d) Favoriser et supporter chez la personne un cheminement qui l’amènera à prendre ses propres décisions pour l’après-thérapie.
e) L’aider à « lâcher prise » et arrêter le contrôle sur l’autre en se responsabilisant et en « reconquérant » sa propre trajectoire de vie.
f) L’intégrer dans un contexte de « milieu-thérapie » afin de lui permettre de transiger avec d’autres, portant le même problème, et l’inciter à être lui aussi aidant pour les autres participants.
g) Tenter de prévenir d’autres situations de crise dramatique et éviter des récidives malheureuses durant cette période cruciale (dénonciation ou suite à l’arrestation).
h) Profiter de ce temps d’arrêt pour l’éduquer, le sensibiliser sur l’escalade d’agirs violents et le conscientiser sur l’exercice abusif du contrôle de l’autre et l’utilisation des enfants (réflexes souvent agis même si non prémédités.)
i) Expérimenter une mesure novatrice en violence conjugale, axée sur l’intervention de crise auprès du conjoint violent dans un contexte de thérapie intensive et de milieu-thérapie.
j) Réaliser une recherche évaluative portant sur l’efficacité du programme et sur l’impact d’une telle mesure.
Notre approche d’intervention auprès des conjoints violents s’appuie sur les principaux éléments suivants :
a) La violence conjugale (psychologique, économique, verbale, physique, sexuelle) se retrouve dans toutes les classes sociales et économiques. Cette violence est maintenue et favorisée par un code social et économique, par des valeurs et par des attitudes patriarcales et sexistes. C’est à partir de ces éléments que l’agresseur exerce son pouvoir et justifie son contrôle. D’autre part, cette réalité psychosociale tend à maintenir la femme violentée sous le joug de son conjoint. La violence conjugale est un problème social, mais c’est surtout une responsabilité individuelle à assumer pour chaque personne.
b) La violence conjugale est inacceptable et criminelle
c) La violence conjugale n’est pas une maladie
d) L’homme choisit la violence parmi d’autres moyens ou options qui lui sont ou pourraient lui être accessibles, et ce, dans le but de contrôler et de dominer sa conjointe. C’est un mode appris de relation et de résolution de problème par le contrôle de l’autre. Alors on ne peut parler de « perte de contrôle ».
e) L’homme violent est une personne responsable. Il est donc responsable de ses gestes et de ses comportements violents, de même que du changement de ses comportements, valeurs et attitudes. Toutes les stratégies d’intervention doivent être conséquentes avec le principe de responsabilité et favoriser l’autonomie du client.
Le monde de la perception
Tout thérapeute de groupe est en mesure de constater à quel point « l’homme violent se raconte des histoires et vient qu’à y croire. » En effet, nous observons que l’individu s’est construit une série de scénarios (convictions) qui lui permet de se déculpabiliser, suite au passage à l’acte destructeur. Afin de bien comprendre cette dimension majeure, observons ce mécanisme à partir d’un exemple précis :
« Robinson en est à sa 2e présence en thérapie de groupe. Appelé à expliquer comment il en est arrivé à frapper sa conjointe, il exprimera au groupe : « Je suis arrivé en retard à la maison, j’ai été débordé au travail. Je n’ai pas appelé mon épouse parce que je sais qu’elle aurait chialé, c’aurait été toute une histoire. Alors, j’entre à la maison, elle est déjà pas de bonne humeur, la petite braille, le souper n’est pas prêt. Alors, le ton monte, on se chicane verbalement, je décide de retourner chez ma sœur. Elle court après moi jusqu’en bas de l’escalier, m’agrippe par les vêtements et là je lui donne un gifle. C’est elle qui a couru après moi, elle est venue me chercher en bas de l’escaler. Il dira plus tard, « je sais que je suis responsable de l’avoir frappée, mais elle a couru après. »
Sans tomber dans une analyse clinique détaillée, pour ce qui nous intéresse ici, analysons quelques éléments importants.
Robinson se convainc (sa conviction devient une attitude) de son retard et essaie de nous convaincre que sa perception est juste, et qu’il ne peut se permettre d’aviser son épouse de son retard (cela devient le comportement qui suit l’attitude). Il construit un nouveau scénario à partir d’expériences passées non-réussies et blâme ainsi sa partenaire.
Nous pouvons aussi faire l’hypothèse qu’il a omis quelques détails quand aux événements qui l’ont amené à gifler son épouse. Toutefois, ce qui importe est de démontrer qu’il s’est forgé une histoire avant d’entrer à la maison, qu’il a été frustré d’entendre la petite « brailler » et de constater que le souper n’était pas prêt. La réalité est qu’il a giflé son épouse. Sa perception demeure qu’elle est venue au-devant de lui pour se faire gifler, car dira-t-il, plus tard : « Elle le savait que je me défendrais. »
Cette dimension omniprésente chez les hommes agresseurs provient de ce que l’on appelle la « dissonance cognitive ». L’homme est incapable de répondre à ses attentes et demeure démuni, agissant des comportements impulsifs et non-réfléchis. Il n’a en fait jamais résolu et équilibre nécessaire afin d’affronter tous les éléments de la réalité.
Évidemment, cette dissonance cognitive n’est pas exclusive à l’homme agresseur. L’humain a souvent tendance à interpréter ou biaiser la réalité. L’enjeu, quelqu’il soit, est de tirer davantage de cette interprétation. « Nous ne voyons pas la réalité ».
Tout cela nous amène à envisager une étape importante ultérieure en thérapie : la communication. Cependant, avant d’aborder cette phase « classique », nos devons absolument faire prendre conscience à l’homme agresseur, qu’en plus de faire une fausse lecture du réel, il s’est façonné une image personnelle de sa propre réalité. C’est ce qui explique pour l’homme agresseur, qu’il ne sera jamais violent avant qu’on lui dise, avant qu’on l’arrête, avant qu’il soit menacé, avant qu’il soit en réel déséquilibre.
Enfin, nous savons que la communication sera impossible à réaliser si les parties ne relèvent pas leurs perceptions respectives et ne sont pas assez flexibles pour s’adapter en vue de partager une réalité plus riche. La communication on le sait, demeurera une parodie tant que l’homme agresseur se contentera d’interpréter, de combattre les opinions de l’autre et de « lire entre les lignes » sans véritablement confronter sa lecture à celle de l’autre, (conjointe ou autres personnes).
JEUDI 6 OCTOBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 56e partie
La Presse,
Dimanche, 7 août 2005
Ces hommes victimes de violence
Mercure, Philippe
546 000 hommes victimes de violence conjugale au pays. Statistique Canada a récemment dévoilé des chiffres qui sont venus déboulonner un mythe : celui voulant que, dans un couple, c’est toujours monsieur qui agresse madame. Taboue, voire visible, la violence faite aux hommes n’est pas prise au sérieux. Résultat : si les ressources pour les femmes violentées et les hommes violents abondent, l’inverse n’est pas vrai. Portrait d’une réalité aux multiples visages.
‘Quand les policiers ont débarqué, j’étais en train d’étudier tranquillement. Ils ne m’ont jamais demandé ma version des faits, ils m’ont menotté et amené au poste. Ça a été un grand choc pour moi.’
Harcèlement, chantage, mensonges, insultes. Par peur de briser sa famille, Missillyo, 29 ans, a enduré l’enfer. Jusqu’en juin dernier, lorsque les policiers, au lieu de lui passer les menottes, l’ont reconduit chez un ami avec sa valise. Ils avaient enfin compris que l’homme n’était pas violent : c’est plutôt sa femme qui le harcelait.
Forcé de quitter sa maison, sa femme et sa petite fille de 3 ans, l’étudiant en pétrochimie a finalement trouvé refuge à la Maison Oxygène, où il tente de réorganiser sa vie. Attaché à la cuisine communautaire de l’établissement, il a accepté de raconter son histoire à la Presse.
‘Déjà, en Afrique, ma femme avait des comportements inadéquats. Elle m’insultait, insultait ma famille. Des choses que tu ne veux pas entendre, qui me blessaient beaucoup.’ En s’installant à Montréal en 2003 avec sa femme et sa fille, Missillyo espérait que les choses changeraient. En vain. Son épouse, raconte-t-il, rentrait à des heures impossibles, négligeait son enfant, fréquentait d’autres hommes.
C’est lors d’une soirée où Missillyo insiste pour avoir des explications que sa femme appelle la police pour la première fois. En voyant son mari menotté et emmené par les policiers, elle comprend tout le pouvoir qu’elle a au bout des doigts. ‘Je ne peux même pas compter le temps que je me méfie d’elle.’
La situation durera plus d’Un an. ‘Je me sentais responsable de ma femme et de ma fille, je ne voulais pas partir’, explique le jeune homme. Et les réseaux d’aide? ‘Je ne savais même pas qu’il y avait des recours.’
La Maison Oxygène est le seul centre au Québec qui héberge les hommes en difficulté conjugale et leurs enfants. Capacité d’accueil : sept pères, avec ou sans enfants. Nombre d’hommes victimes de violence conjugale au pays, selon un rapport de Statistique Canada publié à la mi-juillet 546 000.
Yvon Lemay, coordonnateur de la maison, affirme qu’il refuse jusqu’à deux pères par jours depuis la douzaine d’années qu’il travaille à l’organisme.
« C’est un peu plate quand des travailleurs sociaux t’appellent et te disent qu’ils ont un père avec un enfant dans la détresse la plus totale qui ne sait pas où aller, et que la seule chose qu’on peut lui dire c’est : Ben, on n’a pas de place, alors vas-y mon gars, ne te suicide pas et bonne chance », dénonce-t-il.
Au cours des cinq dernières années, 6% des Canadiens qui avaient déjà été mariés ou avaient vécu en union libre on été victimes de violence conjugale; presque autant que les femmes, chez qui le taux s’élève à 7%.
Cette violence est souvent psychologique.
« On voit beaucoup de dénigrement, de harcèlement », explique Yvon Lemay. Mais il arrive aussi que les partenaires passent de la parole aux actes. Et là, la violence a un sexe. Selon Statistique Canada, les hommes se font plus souvent mordre, gifler ou frapper par leur partenaire que les femmes. Ils sont aussi plus nombreux à encaisser des coups de pied et à se faire lancer des objets (voir encadré).
Les victimes féminines restent cependant deux fois plus nombreuses que les victimes masculines à subir des blessures durant les disputes conjugales, trois fois plus susceptibles de craindre pour leur vie et deux fois plus susceptibles d’être victimes de plus de 10 épisodes violents.
Ceux qui connaissent ce secteur, eux, jurent avoir vu des hommes dans un piètre état.
« J’ai vu des fourchettes plantées dans des cuisses, des yeux au beurre noir. Un jour, un gars de 5 pieds 2 pouces bâti comme une armoire est arrivé ici tout égratigné, en sang. Il s’était littéralement fait déchirer son linge sur le dos », raconte Yvon Lemay.
« Les femmes compensent leur différence de force musculaire car, en moyenne, il existe une différence de force musculaire en utilisant des objets. Vaisselle, couteau, tasse de café, rouleau à pâtisserie. J’ai même déjà vu un homme avec l’empreinte d’un fer à repasser sur le ventre », raconte Yvon Dallaire, psychologue et auteur du livre La violence faite aux hommes. Une réalité taboue et complexe.
Selon Yvon Lemay, il faut aussi arrêter de croire que la violence sexuelle n’est que le lot des femmes.
« Des gars qui, par manque de confiance en eux, vont accepter de se laisser faire des choses par une femme pour ne pas la perdre, ça existe probablement beaucoup plus souvent qu’on pense », croit-il.
C’est que les hommes sont plus portés à cacher la violence dont ils sont victimes que de l’étaler au grand jour. » Demander de l’aide est très difficile pour un homme. C’est un aveu d’impuissance. Et les mots impuissance et gars, ça ne va pas très bien ensemble », dit Yvon Lemay.
« Quand on parle d’hommes battus, on trouve ça risible. On est encore porté à croire que l’homme, parce qu’il est plus gros, est plus méchant, et que la femme, parce qu’elle paraît plus fragile, est une victime », croit quant à lui Yvon Dallaire.
Une attitude que connaissent bien les résidants de la Maison Oxygène. » Les gens trouvent ça drôle, c’est sûr. À l’école, les gens me demandent : Tu retournes dans ta maison d’hommes battus? » dit Missillyo.
Le tabou, par contre, ne frappe pas que les victimes.
« C’est tellement honteux, c’est tellement difficile pour les femmes d’admettre qu’elles font des choses comme ça. Ce n’est tellement pas beau! Ce qui est valorisé chez une femme, c’est l’image de la douceur. C’est pour ça que c’est si difficile. »
Marise Bouchard est psychothérapeute. À la Maison de la famille de Québec, elle donne un atelier intitulé La femme et son agressivité. Une agressivité qu’elle connaît bien : elle-même a agressé ses partenaires lorsqu’elle était plus jeune, allant même jusqu’à menacer son conjoint de l’époque avec un couteau alors qu’elle n’avait pas encore 20 ans.
« À un moment donné, je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose qui ne marchait pas avec moi. Et je ne voulais pas passer ça sur le dos des autres. » Armée de livres de psychologie populaire, Mme Bouchard a alors entrepris un long travail sur elle-même. » J’ai travaillé pendant 15 ans toute seule de mon bord », confie-t-elle.
Si Marise Bouchard a réussi à maîtriser seule sa violence, ce n’est pas le cas de Sylvie Turgeon.
« Sans les groupes d’entraide, j’aurais tué quelqu’un. C’est très clair dans ma tête, tôt ou tard j’aurais tué quelqu’un. C’est comme traversé un boulevard les yeux fermés : tu ne peux pas toujours être chanceuse. »
« Quand je buvais, la paranoïa s’emparait de moi. La jalousie, raconte-elle. Je faisais des crises, j’ai battu des gens, j’ai sauté sur eux. Il y en que j’ai presque heurtés en voiture, j’ai brisé leurs objets. Des choses terribles. »
Dans son cas comme dans la plupart des autres, croit-elle, des problèmes d’alcool et de drogues étaient étroitement mêlés à celui de la violence. Une affirmation qui trouve écho dans les données de Statistique Canada : les personnes dont le partenaire est un grand buveur, au moins cinq consommations plus de cinq fois par mois – risquent six fois plus d’être victime de violence que les autres.
« La dernière fois, je faisais des plans pour tuer mon conjoint. Là, j’ai eu peur. Je suis allé dans un centre de crise et je leur ai dit : Si vous ne faites pas quelque chose, il va y avoir un meurtre dans le journal. »
Cette violence des femmes, Marie-Andrée Bertrand aussi la connaît bien. La criminologue a écrit un livre, Les femmes et la criminalité, où elle dévoile des chiffres troublants. En 1976, les femmes étaient accusées d’un crime sur 10. Un quart de siècle plus tard, cette proportion a presque doublé. Bref, si la criminalité en général diminue, les femmes, elles, commettent plus de crimes qu’avant. Et ces crimes sont plus violents que par le passé.
Mais la réalité de la violence conjugale envers les hommes est si peu ancrée dans les mentalités que même la grande spécialiste s’est laissée prendre. L’année dernière, Mme Bertrand a pris connaissance de chiffres montrant la parité des plaintes de violence conjugale envers les hommes et les femmes.
« Je n’y ai pas cru. J’ai même contredit publiquement une étudiante qui avait présenté ces chiffres lors d’une réunion scientifique. J’ai été obligée d’aller aux sources et de faire mon meaculpa », avoue-t-elle, tout en tenant à préciser que les conséquences de la violence demeurent plus importantes chez les victimes féminines que masculines.
Selon la criminologue, les hommes dénoncent plus la violence conjugale qu’auparavant, car « la fragilité est maintenant avouable. Et parfois, ça paye de se déclarer victime », souligne-t-elle en mentionnant les avantages juridiques ou financiers de la dénonciation. » de la part des hommes, c’est un grand progrès. Car nier cette violence, c’est risquer de rester dans la même situation, et cela cause des dommages considérables. »
LA VICTIME EST….
Menacée ou se fait lancer un Objet :
Hommes : 15%
Femmes : 11%
Poussée, bousculée, giflée
Hommes : 34%
Femmes : 10%
Battue, étranglée, menacée avec une arme à feu ou un couteau
Hommes : 15%
Femmes : 23%
Agressée sexuellement
Hommes : trop peu fiable pour être publié
Femmes : 16%
Source : Statistique Canada
LA FORME DE LA VIOLENCE CONJUGALE A UN SEXE
Alors que les hommes encaissent des coups de poing, se font mordre ou lancer des objets, la violence dirigée vers les femmes demeure plus grave. Mais peu importe comment elle se manifeste, la violence physique est presque toujours accompagnée de violence psychologique : c’est le cas pour 99% des femmes victimes et 98% des hommes.
Illustration(s) :
Gravel, Michel
La Maison Oxygène, où Missillyo a trouvé refuge, peut recevoir sept pères, avec ou sans leurs enfants. En raison du manque de place, le coordonnateur de la maison rejette deux demandes d’accueil par jour. Selon un rapport de Statistique Canada, le nombre d’hommes victimes de violence conjugale au pays s’élève à 546 000.
MARDI 4 OCTOBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 55e partie


DIMANCHE 2 OCTOBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 54e partie
Dans les chapitres précédents, l'on a vu le drame de la femme battue et ses conséquences sur la famille. Voyons maintenant celui des hommes battus sous la férule des femmes (Revue de Presse).
L'ombre du passé plane souvent sur la plupart des crises d'un couple. Le
souvenir d'un père violent, d'une mère violente ou alcoolique, d'un épisode vécu
dans l'enfance, que la conscience a enterré mais qui imprègne
l'inconscient, constituent le poids du passé. Lorsque certains
comportements se répètent et mettent en danger la survie du couple, il faut se
tourner vers le passé pour interpréter le présent.

Lorsque la femme est contrôlante, la plupart des conjoints s'écrasent devant elle : ils en perdent leur personnalité, à moins de réagir.
Certaines dynamiques de couple peuvent vous refiler la migraine, tellement elles sont complexes ! Dans ces cas, c'est bien souvent le mariage des deux personnalités qui se fait difficilement.
Toutefois, l'amour qui chapeaute la relation se veut si fort que les partenaires sont prêts à tout, ou presque, pour faire durer l'union. Un idéal de vie de couple doit se bâtir à deux, mais il arrive, parfois, qu'un seul membre en soit l'instigateur, ou l'instigatrice, dans le cas des femmes contrôlantes... Que deviennent alors les partenaires ?
Types de personnes contrôlantes
Les personnalités, au sens général et non telles que définies par les manuels de psychologie, nous informent quant à la nature propre de l'individu. Par contre, il est souvent difficile de reconnaître la personnalité de quelqu'un avant d'avoir vécu, voyagé ou traversé une épreuve avec lui (ou elle), car le quotidien permet à plusieurs de ne montrer qu'une seule facette de leur personnalité.
Camoufler les zones d'ombre peut s'avérer facile si on est de nature joviale ou expressive, par exemple !
De façon générale, les personnes contrôlantes le sont depuis leur tendre enfance. Le développement de stratégies de survie se fait pour chaque individu, selon le cheminement de vie dans lequel il s'est aventuré (ou dans lequel on l'a plongé.
Toutefois, il arrive, aussi, que la personne développe son " côté contrôlant " une fois rendue à l'âge adulte. La notion de pouvoir, drôlement prônée dans la société, en pousse plus d'un à développer un plan de vie autour de cet aspect, en laissant aux autres le choix : tu suis ou tu fonces !
Unanimement, ou presque, on peut s'entendre pour dire que l'origine du besoin de contrôler se vit à travers l'insécurité. L'anxiété pousse les femmes à vouloir contrôler leur environnement ou les gens, car elles sont alimentées par de nombreuses peurs.
Prendre le contrôle, pour elles, signifie alors que les choses seront faites selon leurs critères (donc bien faites, à leurs yeux, naturellement) et cela sera rassurant, pour elles. De plus, la femme anxieuse trouvera un réconfort et une valorisation en contrôlant, car elle a l'impression que c'est grâce à elle que tout fonctionne rondement.
La femme poule est celle qui contrôlera en surprotégeant ses petits ou, même, son conjoint. Elle se fait la gestionnaire de la maisonnée tout entière et associe étroitement le fait de «prendre soin» et d'aimer. Pour elle, l'un ne va pas sans l'autre. Par contre, dans le détour, elle oublie que les membres de sa famille ont une personnalité et des besoins différents des siens. On a souvent le goût de lui dire : «Laisse-moi vivre ma vie à ma manière !»
La dominatrice est certainement la plus redoutable des femmes contrôlantes puisqu'elle commande tout. Dès l'instant où les choses ne se passent pas à sa manière, ce n'est pas bon, et cela déclenche, en elle, une rafale d'émotions, qu'elle fait irrémédiablement subir à son entourage. Elle usera alors de culpabilisation et de manipulation pour parvenir à ses fins et, finalement, obtenir ce qu'elle veut.
La femme qui a besoin que tout soit parfait endosse souvent le rôle de la superwoman aux yeux des autres. Elle est redoutable, elle aussi, car elle utilise la ruse pour parvenir à ses fins. Elle préfère tout faire elle-même, car elle se sent constamment insatisfaite lorsque les autres accomplissent des tâches.
Elle régente ce que les autres doivent porter, comment ils doivent travailler et comment ils doivent se comporter... Elle n'accepte pas que son conjoint s'occupe des enfants, car il ne le fera pas bien (selon elle, évidemment).
Bref, il est possible qu'une femme contrôlante possède tous ces traits de caractère en même temps, ce qui fera d'elle une partenaire de vie plutôt impossible...
Les conjoints s'écrasent
Malheureusement, lorsque la femme est contrôlante, la plupart des conjoints s'écrasent devant elle : ils en perdent leur personnalité, à moins de réagir. S'il s'unit à elle et se laisse faire, elle choisira maintenant ses amis, décidera de ce qu'ils achèteront (et ce, même si son pouvoir d'achat personnel à elle est inexistant), influencera sa manière d'être avec les gens qui les entourent... bref, rien de très sain, à long terme.
Toutefois, bonne nouvelle ! Les couples qui savent reconnaître ce type de dynamique peuvent prendre des moyens (en thérapie) pour faire changer les choses. Madame s'occupera de comprendre les raisons de son besoin de contrôle et modifiera les manques personnels à combler, et Monsieur comprendra les raisons qui l'ont poussé à choisir ce type de femme ; il adoptera des stratégies pour augmenter sa confiance et son estime de lui afin de ne plus se laisser contrôler par qui que ce soit.
JULIE PELLETIER
29/05/2011 09h24
Journal de Montréal
VENDREDI 30 SEPTEMBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 53e partie
À l'intérieur de nous peuvent habiter plusieurs personnes qu'il n'est pas
toujours facile de reconnaître mais qu'il nous appartient de rencontrer.
- J. Salomé
Des exercices pour appuyer l’intervention
Voici quelques exercices auxquels vous pouvez avoir recours pour que la cliente réapprenne à se faire confiance. Ce sont des techniques de base en intervention sociale, utilisées ici dans le contexte particulier d’une relation se fondant sur des principes issus d’une analyse féministe de la société et de la violence conjugale.
L’utilisation d’un tableau est un moyen concret qui permet à la cliente d’évaluer sa propre image. La femme violentée essaie de brosser le tableau de ses forces et faiblesses et de les analyser. Ensemble, vous observez chacune des faiblesses identifiées. La cliente tente alors de discerner si celles-ci correspondent à sa propre perception ou à celle de l’agresseur. Cette étape amène la cliente à réaliser combien elle se dévalorise et donne du pouvoir à l’agresseur.
Ce premier déblayage fait, elle doit regarder si les faiblesses identifiées sont réelles et si elle peut les illustrer par des exemples concrets. En effet, un certain nombre des faiblesses qu’elle s’accorde sont sans fondement. Par exemple, elle note qu’elle ne sait pas administrer le budget familial. Puis elle réalise qu’elle n’a jamais eu accès à l’argent et que c’est son conjoint qui administre les revenus de la famille. Son incapacité, dans ce cas, n’est absolument pas évidente, elle l’anticipe. Progressivement, ses limites personnelles se dessinent concrètement. Bien des faits perdent leur ampleur et d’autres disparaissent.
La même démarche est reprise avec les forces qu’elle a identifiées chez elle. Le nombre initial des qualités est généralement inférieur à celui des faiblesses. Il est important de désigner ses forces en fonction d’une qualité et non d’un rôle, ce qui dépersonnaliserait la force identifiée et confirmerait la femme dans des rôles stéréotypés. Par exemple, dans l’affirmation : « Je suis une bonne mère. », on n’évaluera que les capacités personnelles que cela implique : capacités de négociation, de compréhension, de constance dans les structures, etc. Ces qualités se réfèrent donc à des aptitudes personnelles et non à une fonction sociale, élaborée à partir du concept de la mère idéale. Il nous apparaît alors important de favoriser la découverte d’aptitudes personnelles qui se distinguent des stéréotypes féminins.
Le tableau qu’elle fait de ses forces et de ses faiblesses permet à la femme violente de constater qu’elle a de la difficulté à reconnaître ses capacités personnelles.
La cliente tiendra à jour son tableau cumulatif. Chaque fois qu’une action sera entreprise, une solution trouvée, une nouvelle décision prise, ou qu’un nouveau risque sera établi, elle notera dans la colonne des forces, l’aptitude dont il lui sera établi, elle notera dans la colonne des forces, l’aptitude dont il lui aura fallu faire preuve et qu’elle se sera découverte. Vous lui rappellerez également les capacités que vous lui trouvez et, en entrevue, vous l’aiderez à identifier la capacité qui lui a permis de réussir ce qu’elle a entrepris.
Ce tableau devient un point de repère. Il sert en plus à consolider les acquisitions faites. La femme battue peut garder ce tableau et le cacher dans un endroit sûr pour éviter que son conjoint ne le trouve. Si cela comporte trop de risques, vous pouvez le garder pour elle et l’apporter lors des entrevues. Si elle a quitté son partenaire, vous lui suggérez de garder ce miroir d’elle-même.
Jeu d’association
Ce jeu est une autre technique susceptible d’aider la femme battue à reconnaître ses capacités.
La femme violentée nomme un animal qu’elle aime et qui la représente. Elle établit la liste des qualités de cet animal. Par exemple, l’écureuil est prévoyant et partage vite ses peines, il fait preuve d’agilité, etc. Par la suite, la cliente essaie de voir en quoi ces qualités ressemblent aux siennes ou en quoi l’animal la représente. Se reconnaît-elle de telles qualités? De quelle façon peut-elle les cultiver et les maintenir?
Y-a-t-il des capacités dont cet animal fait preuve et qu’elle-même a déjà démontrées mais n’ose plus utiliser maintenant? Elle tentera de reconnaître les événements de sa vie qui ont contribué à réduire sa confiance en elle. La violence conjugale devient un des premiers facteurs reconnus. Elle peut être « réassurée » sur le fait qu’une capacité ne se perd pas.
En faisant ces différents exercices pour redécouvrir ses compétences, la femme battue modifie progressivement son estime de soi. Elle peut également poursuivre cet effort pour modifier le regard qu’elle pose sur elle-même.
Identifier la beauté d’une partie de son corps
Il est difficile pour les femmes, en général, de se trouver belles. Les critères de la beauté féminine sont inaccessibles et déterminés par des valeurs et des jugements masculins. Comme victime, la femme battue éprouve encore plus de problèmes à avoir une image positive de son corps. Pour contrecarrer la dévalorisation dont elle fait l’objet, elle essaiera d’identifier de l’humilité et de la règle d’usage prétendant que seul le regard d’autrui détermine la beauté d’une femme.
La femme violentée, comme nous l’avons déjà dit, doit être informée de la stratégie de dénigrement de l’agresseur. Cette connaissance est importante pour la cliente. Comment peut-elle lutter contre l’effet des agressions psychologiques, si elle n’identifie pas l’ampleur des blessures qui lui sont faites? Une action de défense contre la violence nécessite cette prise de conscience.
Cet exercice fait appel aux symboles et constitue une action concrète contre la victimisation. Vous soutenez la cliente pour qu’elle parvienne à donner une valeur positive à une partie de son corps. Vous renforcez également l’évaluation positive qu’elle vient de faire. Reprendre du pouvoir sur son corps fait partie de la démarche de restauration de l’estime de soi.
Faire une sculpture
Vous pouvez utiliser cet exercice lors de l’entrevue de l’établissement du bilan. Il permet de consolider les acquisitions faites au cours du contrat de travail établi entre la cliente et vous.
La femme battue fait prendre à corps une position correspondant à une perception précise qu’elle a d’elle-même et donne à son visage l’expression qui lui semble la plus significative. Lorsque la sculpture illustre bien ce qu’elle imagine d’elle-même, elle demeure dans cette posture, sans bouger. Si possible, l’image filmée sur vidéo. En respectant ces consignes, la cliente fera deux sculptures.
La première représente l’image qu’elle avait d’elle au début des rencontres, lorsque le contrat de travail a été négocié entre elle et vous. La deuxième reflète la perception qu’elle a d’elle maintenant. Chacune des sculptures est analysée par la cliente. Que voit-elle dans cette image? Que se dégage-t-il de cette sculpture? Que veut dire l’expression du visage? Que lit-elle sur ce visage? Que semble vivre cette femme? Qu’est-ce que le corps exprime? Quelles différences observe-t-elle entre ces deux portraits d’elle-même? Qu’est-ce qui est le plus évident : l’expression, la posture, l’allure? Qu’est-ce qu’elle aime dans ces sculptures? Finalement, peut-elle nommer la différence qui existe entre ces deux sculptures?
Cette différence est généralement évidente et significative et est, en soi, un constat de peur, où l’on perçoit une fermeture, un repli sur soi. La deuxième révèle une évolution de l’assurance personnelle, une confiance accrue et représente souvent un geste. Cet exercice est valorisant et permet de visualiser des changements. La conscience du chemin parcouru renforce l’estime de soi. Même s’ils ne sont complètement terminés, on observe des changements et cela rassure la cliente sur ses capacités personnelles.
MERCREDI 28 SEPTEMBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 52e partie
La vie n'est supportable que lorsque le corps et l'âme vivent en parfaite harmonie qu'il existe un équilibre naturel entre eux et qu'ils ont l'un pour l'autre un respect réciproque.
Résumons-nous sur la psychologie de la femme battue
La psychologie de la femme battue
Au seuil du nouveau millénaire, un des plus gros défis de société auquel nous sommes confrontés est bien celui de la violence familiale, et plus particulièrement, la violence contre les femmes et les enfants. Selon statistique Canada, en 1996, dans 89% des agressions conjugales signalées à la police, les victimes étaient des femmes. Certains spécialistes prétendent qu’aux Etats-Unis, il y a une femme victime de violence conjugale à toutes les sept secondes.
Au Canada, entre 1977 et 1996, 12,666 personnes ont été victimes d’un homicide. Un tiers des homicides mettait en cause des membres de la famille. Parmi ceux-ci, dans près de 50% des cas, il s’agissait de violence entre conjoints. Il n’est pas exagéré de dire qu’il s’agit d’un fléau social d’importance.
Le syndrome
Le Dr Lenore Walker, psychologue, et d’autres spécialistes en matière de violence conjugale, ont observé chez plusieurs femmes battues des réactions typiques. Ainsi, ces réactions sont caractérisées par quatre phases soit : le déni, la culpabilité, la prise de conscience et la responsabilité. Évidemment, chaque femme réagit selon ses traits de personnalité, mais les réactions sont assez typiques pour que l’on puisse parler de syndrome.
Le déni
D’abord, un bon nombre de femmes ont tendance à refuser de reconnaître qu’elles sont réellement victimes de violence conjugale. « C’est un accident, il ne voulait pas me frapper. ». « Je suis convaincue qu’il ne recommencera plus. », sont des propos fréquemment entendus par ceux qui sont proches des victimes. La plupart des femmes que j’ai rencontrées avaient honte de dire qu’elles avaient été battues par leur conjoint.
Le déni, à mon avis, est un mécanisme de défense qui permet à la personne d’éviter de tout foutre en l’air, soit la famille, la vie de couple et le patrimoine. L’éclatement de la famille correspond, pour la plupart des femmes, à une tragédie, car il fait appel à l’insécurité tant affective que financière. De plus, les mères veulent éviter la séparation de corps par peur d’affecter ou de faire du tort aux enfants, comme si elles se sacrifiaient. Bref, vaut mieux croire que tout s’arrangera pour éviter le pire.
La culpabilité
Durant cette phase, la femme reconnaît qu’il y a un problème, mais elle se tient responsable pour la violence de l’homme. « Il ne faudrait pas que je lui fasse des reproches. » « C’est probablement parce que j’ai un mauvais caractère. » « J’aurais dû l’écouter et faire ce qu’il me demandait. » Les femmes en viennent à croire qu’elles méritent d’être battues ou punies, comme si elles étaient responsables de la colère du conjoint.
La prise de conscience
Tôt ou tard, les femmes battues réalisent que le problème est récurrent et que le conjoint se permet des colères pour des banalités. Il faut dire que plus les hommes violents réaliseront que la violence leur donne du contrôle et du pouvoir sur la conjointe, plus ils auront tendance à y recourir pour résoudre leurs problèmes ou pour qu’elles répondent à leurs caprices. Les femmes prennent donc conscience que le conjoint a un problème sérieux et qu’elles n’en sont pas responsables.
La responsabilisation de soi
C’est en réalisant que le conjoint n’a pas respecté ses promesses de cesser les abus physiques et psychologiques, que les femmes décident de se prendre en charge. Le support des intervenantes dans les maisons d’hébergement et les témoignages d’autres victimes leur permettent de prendre des mesures efficaces pour mettre un terme à la violence conjugale. Durant cette phase, la femme devient pro-active face au problème de violence.
Quelques conseils pratiques
Si vous êtes victimes de violence conjugale, vous pouvez communiquer en tout temps avec SOS Violence conjugale au 1-800-363-9010. Quant aux hommes violents, vous pouvez communiquer avec le Groupe de Partage pour Homme de la Montérégie au numéro 514-299-3210, et cela, 24 heures sur 24. À ces endroits, les intervenants essaieront de répondre à vos questions. Aussi, vous aideront-ils à évaluer vos besoins en plus de vous transmettre les renseignements nécessaires pour obtenir de l’aide. En matière de violence conjugale, il n’y a pas de raison pour refuser de l’aide!
LUNDI 26 SEPTEMBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 51e partie
Ce que cache mon langage mon corps le dit
- R. Barthes
Laisser surgir une émotion
À ce stade, la cliente commence à expérimenter elle-même de nouvelles émotions. Pour la préparer à franchir une nouvelle étape, vous reprenez avec elle, au cours des dernières rencontres, les étapes précédentes. Il est important de consolider les acquisitions que vous et elle avez observées. En se remémorant ce qu’elle a pu faire, la cliente nourrit sa confiance en elle et prend conscience des nouvelles aptitudes qu’elle a développées. Ensemble, vous récapitulez les moyens dont elle dispose pour vivre des émotions difficiles – respiration abdominale, images mentales, laisser parler son cœur, écrire ce qu’elle ressent, crier.
Au cours de la semaine, sa tâche consistera à s’isoler pour vivre un sentiment important qu’elle ne pouvait exprimer devant l’agresseur. Elle reprendra, seule, les divers moyens et techniques qu’elle a expérimentés en entrevue pour laisser surgir cette émotion. Elle commencera par l’exercice de la respiration abdominale et laisser surgir progressivement des images de l’événement auquel est reliée l’émotion retenue. Elle restera à l’écoute d’elle-même pour accepter ces images et vivre les émotions qui s’y rattachent. Elle sait qu’elle peut les ressentir sans danger. Elle a déjà expérimenté ce processus en entrevue. Elle devra se rappeler qu’elle a la capacité d’affronter ses sentiments.
Par la suite, après avoir laissé surgir son émotion, elle pourra la transcrire. Cette étape consolide et termine la libération du sentiment. Les observations qu’elle aura notées, à la suite de sa tâche, lui permettront de commenter les résultats de cet exercice lors de l’entrevue. Vous soulignerez les résultats de cet exercice lors de l’entrevue. Vous soulignerez le chemin accompli et la reprise de pouvoir sur elle-même qu’elle vient de réaliser.
Les tâches varient selon le rythme de l’évolution de la cliente. Le choix se fait en accord avec elle. La femme battue détermine bien souvent la tâche qu’elle devra faire. Toutefois, pour éviter que la tâche soit une source d’échec, le défi qu’elle représente doit être progressif.
Les différentes techniques, exercices et tâches que nous venons de voir servent donc de moyens pour aider la femme battue à récupérer le droit à ses émotions. Cette étape est importante pour qu’elle puisse développer une estime d’elle-même. L’estime de soi implique nécessairement qu’une personne s’accorde de la valeur.
Reconnaître ses capacités
Pour retrouver l’estime de soi, la femme violentée doit redécouvrir ses capacités personnelles et croire en ses compétences. Elle doit briser l’image négative qu’elle a d’elle-même. L’intervention tiendra compte de cette nécessité.
En plus de refuser les discours de dénigrement qu’elle tient sur elle-même, il est parfois pertinent d’analyser, avec la cliente, un de ses modes de fonctionnement qui contribue à maintenir cette perception négative d’elle-même. Par exemple, une femme battue disait, parlant d’elle : « Il est normal que je gère bien le budget familial. C’est normal pour une femme d’avoir des talents culinaires. C’est normal de comprendre les règles fiscales pour mon travail. » Elle considérait ses limites personnelles comme des défauts et toutes ses aptitudes, comme des qualités qu’il est normal d’avoir. Lorsqu’on lui demandait si toutes les femmes avaient ces compétences-là, la cliente répondait négativement. Toutefois, elle ne percevait pas ces compétences, qu’elle possédait, comme étant chez elle, des qualités personnelles. Par contre, elle considérait ses limites comme des défauts. « Je ne suis pas une bonne mère car je ne peux offrir un camp de vacances à mes enfants. Je ne suis pas efficace à mon travail, je ne parviens pas à faire toutes les analyses qui me sont demandées. » En prenant conscience de sa façon de fonctionner, la cliente a reconnu l’impasse dans laquelle elle se trouvait : peu importe ce qu’elle faisait, elle était nécessairement une incapable.
Pour cette cliente, cette prise de conscience fut à l’origine d’un changement important. Elle cessa de minimiser la valeur de ses réussites et comprit qu’elles étaient les limites réelles de ses actions (conditions objectives : financières, temporelles, sociales).
La fin du comportement de victimisation s’avère donc essentielle pour que la cliente parvienne à reconnaître ses capacités. Voyons quelques moyens susceptibles de l’aider à redécouvrir ses compétences.
Des techniques d’intervention
Utiliser un photo-langage
La technique du photo-langage, comme nous l’avons déjà dit, permet de travailler l’estime de soi et peut également être utilisée pour aider la cliente à identifier ses capacités. Ici, les photos doivent représenter uniquement des femmes, dans différents rôles et situations. La cliente peut ainsi facilement s’identifier aux personnages et à leurs réactions.
Vous demandez à la femme battue de choisir et de rassembler, dans un premier temps, des photos qui la personnifient avant son union conjugale. Puis, dans un deuxième temps, de sélectionner des images la représentant actuellement. La première série de photos sert de point de départ à une réflexion que vous guiderez avec quelques questions. Chaque image fait l’objet d’une attention particulière. Que représente pour elle cette photo? Que lui inspire-t-elle? De quelle capacité cette femme de la photo fait-elle preuve? Que semble-t-elle approuver? Que fait-elle? Que veut-elle pour son avenir? Etc. Par ses réponses et ses commentaires, la femme battue dégage l’image qu’elle avait d’elle-même avant l’expérience de la violence conjugale.
Dans la deuxième série de photos sur la femme qu’elle est présentement, celle de la photo de la statue cassée revient souvent. Pour un grand nombre de clientes, cette photo illustre la position de victime et le peu d’estime qu’on lui accorde et qu’elle se donne. La perte de l’estime de soi est évidente dans plusieurs choix de photos. Quand on aide la cliente à demeurer centrée sur ses réflexions et ses découvertes, elle fait un portrait assez juste de sa situation personnelle.
Par la suite, elle essaie de voir comment la femme qu’elle est maintenant peut tirer profit des compétences qu’elle avait avant l’union conjugale. L’échange, au cours de la discussion, porte également sur ses aptitudes qui existent toujours, qui ne peuvent se perdre, qui ne sont plus exploitées et dont elle pourrait profiter de nouveau. Elle peut identifier les capacités qui lui ont permis de survivre aux deux femmes : celle d’hier et celle d’aujourd’hui. Que peut-elle faire pour se rapprocher davantage de la femme libre et confiante, révélée par la première série de photos? Comment peut-elle développer sa confiance en elle? De quelle façon peut-elle commencer à s’aimer? Quelles sont les forces personnelles qu’elle peut actuellement exploiter et raviver?
À partir de là, il faut identifier les séquelles de la violence qui altèrent l’estime de soi. Vous universalisez la perte de l’estime de soi en montrant qu’il s’agit d’une des conséquences du vécu de violence conjugale, non pas d’un manque d’habileté. Vous rappellerez l’isolement dans lequel se trouve la victime et le pouvoir destructeur du contexte affectif résultant d’une relation avec un partenaire violent. Un tel climat mine la confiance en soi. Les compétences individuelles demeurent cependant et peuvent de nouveau être mises à profit.
Apprendre à se donner des permissions
La victime vit dans la contrainte. Cela affecte le moindre de ses gestes. Elle évolue donc dans un périmètre restreint et est souvent assiégée par l’agresseur. Son entourage immédiat ne l’autorise pas à penser à elle-même. Pour développer un sentiment de confiance en ses compétences, elle doit réapprendre à réduire ses propres interdits.
L’une des permissions les plus difficiles à s’accorder est le droit à l’erreur. De façon générale, dans la société, les femmes éprouvent un fort sentiment d’échec. Comme il leur est impossible de remplir toutes les fonctions qu’on exige d’elles – mère, amante, épouse, travailleuse, etc - , elles vivent un sentiment d’échec permanent. Cette dimension sociale de la condition des femmes est abordée et discutée avec la cliente, afin qu’elle se départisse des responsabilités qui ne lui reviennent pas. Cette alliance avec elle l’aide à modifier sa notion d’échec.
La peur de commettre une erreur maintient la cliente dans sa passivité et contribue à nourrir son sentiment d’incompétence. L’agresseur contrôle ainsi totalement sa victime. Cette analyse fait partie des informations qu’il faut partager avec la cliente pour qu’elle accepte de prendre des risques.
Lors des rencontres, vous proposez à la cliente d’expérimenter, par des jeux de rôles, diverses situations où elle redécouvrira les capacités qu’elle possède. Vous la renforcerez dans ses jugements et relèverez les habiletés dont elle fait preuve dans les exercices. Le contexte des entrevues peut être pour elle, un cadre sécurisant pour expérimenter ses capacités. Les tâches généraliseront, dans son milieu de vie, ses nouvelles perceptions et les comportements qui en découlent.
SAMEDI 24 SEPTEMBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 50e partie
"Il suffit de prêter attention, les leçons viennent toujours quand vous êtes prêts
et si vous êtes attentifs aux signes vous apprendrez toujours tout ce qui est
nécessaire pour l'étape suivante. "
Paulo Coelho
Des tâches
À cette étape, les tâches employées ont pour objectif de maintenir le rythme de la démarche évolutive de la cliente. Elles viennent appuyer et compléter un processus de cheminement amorcé en entrevue.
Comme les tâches servent également de matériel de renforcement, la discussion sur leur réalisation doit être constamment intégrée à l’entrevue. Les efforts et les initiatives de la femme battue représentent des pas importants vers l’acquisition d’une plus grande autonomie. Ces moyens, si petits soient-ils, augmentent progressivement ses zones d’indépendance. Ils deviennent aussi des réalisations observables qui sont très utiles pour développer une meilleure estime de soi. Ainsi, les tâches complètent les changements qu’initie la femme battue lors des entrevues. Ces changements n’ont une valeur que s’ils deviennent, pour elle, de nouveaux points de référence dans sa vie quotidienne.
Regardons maintenant quelques tâches qui renforcent le processus amorcé en entrevue.
Crier
Il peut être intéressant que la femme violentée commence à se libérer de ses tensions émotives autrement que par les larmes. Le cri est un geste qui va à l’encontre de la passivité. Crier peut l’aider à abandonner son attitude de repli sur soi et à briser, par le fait même son silence. Cette tâche permet à la cliente d’occuper, pendant quelques secondes, une place, ne serait-ce que sonore. De plus, par le cri, elle peut libérer une émotion qu’elle n’a pas encore analysée, qu’elle censure et juge. Une femme battue expliquait ainsi cette réalité : « Au début, je ne savais pas pourquoi je criais, je le faisais pour le bien-être que cela me procurait, maintenant je sais pourquoi et c’est le seul moyen que j’ai pour exprimer ma douleur. »
Des moyens peuvent donc être pris pour expérimenter le cri : la cliente peut crier lorsqu’elle est seule dans sa voiture ou dans la maison. Elle peut également crier dans le bois.
Le cri prépare le travail sur la colère. Il peut aussi compléter une entrevue au cours de laquelle la cliente s’est exprimée en pleurant.
Pratiquer la respiration abdominale
Afin de maintenir les efforts qu’elle fait pour se mettre à l’écoute d’elle-même, la femme violentée peut reprendre, quand elle est seule, l’exercice de la respiratoire abdominale. En pratiquant ce type de respiration, elle se donne du temps et demeure en contact avec ce qu’elle ressent. Souvent la femme battue coupe ses émotions et vit en état d’alerte, elle respire donc mal et peu. La respiration abdominale modifie son fonctionnement et peut transformer son mode de défense habituel consistant à se retenir, à prendre le moins de place possible, à contrôler ses émotions et demeurer peu « en contact avec soi ».
Par cet exercice, la femme intègre consciemment qu’il est important de ressentir ce qu’elle vit et d’écouter ce qui lui arrive. Peu à peu, elle utilisera la respiration abdominale pour accepter de vivre une émotion difficile.
Bibliothérapie
Des lectures peuvent aussi stimuler l’évolution de la cliente, en renforçant la valeur de ce qu’elle découvre et apprend. Dans le cas de l’apprivoisement des émotions, l’article de F. Magazine, « La colère n’est pas toujours mauvaise conseillère », représente un choix judicieux. Cet écrit réitère le droit des femmes à la colère en décrivant ce sentiment comme positif et sain.
Certains écrits humoristiques peuvent aussi démystifier des émotions. La bande dessinée de Reiser sur les femmes contient quelques dessins qui prêtent aux femmes des sentiments socialement réprouvés. Les réactions de la cliente à ces lectures servent de base aux échanges sur les sentiments dits positifs et négatifs, lors des rencontres. La vision que la cliente a des émotions féminines et des émotions masculines fait l’objet de discussions. La conscientisation se fait donc par l’humour.
Écrire un sentiment
Une tâche permettant à la cliente de rester sensible à ce qui lui arrive sur le plan émotif peut également être choisie. Jusqu’à la prochaine rencontre, elle notera le sentiment le plus lourd qu’elle aura porté. Par cette tâche, elle demeurera à l’écoute d’elle-même, acceptera de vivre ses émotions pour pouvoir parvenir à identifier celle qui est la plus difficile à porter.
Lors de la prochaine rencontre, par l’intermédiaire de son message écrit, elle ouvrira la discussion directement sur elle.
L’écriture peut également être employée pour décrire une émotion ressentie. La tâche s’inscrit alors dans la perspective de faciliter un premier niveau de libération émotive. En décrivant son sentiment, la cliente le vit et l’affronte. Cet exercice aide souvent à diminuer la tension reliée aux émotions. Il procure également à la femme un moyen concret d’assumer ce qui lui arrive. Elle développe de nouvelles capacités pour ressentir les émotions qui l’habitent.
Photo-langage-
La cliente aura comme tâche de découper, dans les journaux ou les revues, des images ou des mots qui évoquent chez elle une émotion qu’elle a vécue au cours de la semaine. Là encore, en acceptant d’identifier une émotion, de la reconnaître et de l’exprimer par une image ou des mots clés, elle devra demeurer à l’écoute de ses sentiments.
Ce matériel est alors utilisé comme un photo-langage dont le contenu est significatif. La femme violentée projette, dans ces images et ces mots, des éléments qui sont importants pour elle. Il faut l’inviter à exprimer ce que signifient ces images, à quoi se rapportent les scènes choisies, etc. À nouveau, via un objet, la dimension émotive de son vécu est abordée de façon non menaçante.
JEUDI 22 SEPTEMBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 49e partie
Des Exercices pour faciliter l’accès aux émotions
Voici quelques exercices que vous pouvez utiliser pour aider les femmes battues à avoir accès à leurs émotions. Ces exercices permettent de mener une action à l’intérieur même du temps de l’entrevue. Ils brisent le rythme d’un échange uniquement verbal et offrent la possibilité de rejoindre la cliente d’une façon différente.
Identifier des cartes
Comme il est parfois pénible d’aborder certaines émotions et que la cliente n’est pas toujours consciente de certains de ses sentiments, le recours à un « matériel-support » peut-être intéressant. Voici une variante d’un exercice de conscientisation qui peut également être employé en groupe. Vous préparez des cartes sur lesquelles vous inscrivez certains sentiments : honte, tristesse, peur, angoisse, colère, échec, sentiment d’abandon, culpabilité, etc. Vous gardez également quelques cartes vierges pour que la cliente puisse y inscrire des sentiments qu’elle a vécus et qui ne figurent pas dans la liste proposée. Vous demandez à la femme violentée de choisir ceux qu’elle a éprouvés dans sa position de victime.
Celle-ci peut donc nommer certaines émotions qui lui sont propres et se sentir rassurée de constater que la plupart de ses sentiments sont déjà écrits. Cela la rassure. Ce sont des sentiments qu’il est normal de ressentir. Quelquefois, les femmes choisissent tous les sentiments. Elles les ont vécus à divers degrés et à différents moments. Parfois, un sentiment, représentant sa douleur la plus aiguë, submerge tous les autres. Quand la cliente a terminé son choix, vous lui demandez alors de parler de ses émotions et de raconter comment ces sentiments se vivent, se manifestent et s’expriment. Vous pouvez aussi favoriser l’amorce des verbalisations en lui suggérant de les classer selon leur importance – du plus lourd, ou du plus présent, au moins pénible – ou encore selon leur ordre d’apparition à la suite des actes de violence subis. Ces classifications évitent à la femme battue de se sentir étouffée par l’ensemble de ses émotions.
La cliente peut aussi coller au mur les différentes cartes classées. Cette vision de l’ensemble des émotions lui facilite le constat de ses blessures et souffrances tues, lui donnant une vision globale de ce qu’elle ressent. Cet exercice abaisse les résistances et facilite la « ventilation » des émotions les plus contradictoires. Finalement elle peut constater, en classant les cartes sur le mur, comment ses émotions se transforment et identifier celles qui persistent.
Il est intéressant de voir que l’emploi de ces cartes met en évidence des émotions jumelles. L’une est au début de la chaîne et l’autre, à la fin, et parfois, de façon inverse. Si la colère correspond au premier sentiment choisi, la tristesse clôt la chaîne. Si la gamme des émotions débute par la tristesse, elle se termine par la colère. Bon nombre de femmes battues ayant ajouté aux cartes proposées une carte vierge sur laquelle elles inscrivaient le mot « suicide », cette carte « suicide » fait maintenant partie du nombre des cartes proposées, même s’il ne s’agit pas d’une émotion.
Mimer une émotion
Les gestes peuvent exprimer ce que les paroles ne peuvent dire. Ainsi, vous pouvez suggérer à une cliente de mimer une émotion qu’elle trouve lourde à vivre, ou qu’elle ne parvient pas à nommer. L’émotion mimée est filmée, ce qui permet de visionner la scène par la suite. La cliente arrête l’image sur les expressions mimées qui rendent bien ce qu’elle ressentait. Avec cette photo d’elle, vous aidez la femme battue à nommer ce que ses bras veulent dire, ce que son corps ressent, ce que son visage exprime, etc. Vous pouvez participer à la découverte des divers sentiments reliés à la situation mimée, en livrant vos propres observations. Elle les confirmera ou elle y apportera des précisions qui lui permettront de poursuivre la découverte de ses diverses émotions.
Si vous ne disposez pas d’une caméra, vous pouvez utiliser un miroir. La cliente garde quelque temps la position qu’elle considère la plus importante et analyse les messages de son corps que lui renvoie le miroir.
Utiliser la respiration abdominale
Comme lors de l’entrevue de crise, les moments intenses sur le plan affectif peuvent être renforcés par un exercice de « centrage ». Cet exercice peut également s’utiliser pour diminuer les résistances de certaines femmes battues. Vous demandez à la cliente de fermer les yeux, de respirer profondément, de se détendre. Elle tentera alors de respirer en gonflant son ventre. Elle place les mains sur son ventre pour bien sentir sa respiration abdominale. Au moment où elle commence à être bien en contact avec elle-même, vous lui demandez de laisser « monter » le sentiment qu’elle contrôlait. Cet exercice suffit, dans bien des cas, à faire éclater l’émotion contenue. Vous poursuivez alors l’approfondissement de l’expression du sentiment en confirmant la valeur de l’émotion, en accompagnant la cliente dans les moments difficiles et en l’incitant à demeurer « en contact » avec ce qu’elle vit.
Si l’émotion n’est pas libérée, vous intervenez en reprenant les propres paroles de la cliente. « C’est angoissant de se sentir poursuivie, c’est angoissant de se sentir incapable de se protéger. » Ces verbalisations touchent directement le sentiment présent et permettent à la cliente de ressentir davantage l’ampleur de l’émotion qu’elle n’arrive pas à exprimer.
Regardons maintenant quelques tâches pouvant aider la cliente à apprivoiser et exprimer certaines émotions.
MARDI 20 SEPTEMBRE 2011
VIOLENCE FAMILIALE 48e partie
Voici comment la cliente, qui avait dessiné le cœur de la figure 3, l’a redessiné après quelques rencontres
Elle se place maintenant au centre de son cœur et se réapproprie une partie de l’espace laissé vide par le départ de son conjoint. Cette nouvelle section ne pourra plus être concédée de nouveau. Elle garde vacante l’autre portion de cette place pour des relations affectives futures. Toutefois, elle indique que cette relation conjugale violente lui laisse une cicatrice (méfiante envers son ex-conjoint et sentiment de deuil devant la fin de la relation). Elle prend des moyens pour que son fils ne revendique pas le territoire laissé libre par son père. (application de nouvelles règles parentales structurées, punition lorsque son fils perd le contrôle, etc). De plus, elle a pris une partie de son territoire pour s’assurer de demeurer au centre de sa vie. Elle octroie une place plus grande à ses collègues de travail et se sent plus à l’aise à son travail. Elle réduit la place du frère qui tente d’envahir son espace (le refus à ses demandes sont des balises qui la protègent). Elle maintient cependant la section réservée à sa sœur. Elle augmente celle consacrée aux amis, pour maintenir les relations qu’elle apprécie et pour en intégrer éventuellement de nouvelles. Finalement, elle réduit la place de ses parents. La colère exprimée envers son père violent l’aide à adopter une attitude de retrait face à ses parents. Le territoire de sa mère demeure inchangé, mais celui de son père est considérablement réduit.
Susciter une démarche rationnelle-émotive
Les victimes de violence conjugale ont développé des principes et des valeurs qui les maintiennent dans leur position de retrait, d’effacement. Ces explications rationnelles, qu’elles se donnent, leur assurent une certaine survie émotive mais contribuent aussi, parallèlement, à les garder dans une situation de dépendance et de vulnérabilité. Certaines justifications leur servent également de protection contre la surcharge émotive inhérente aux agressions subies. Les femmes violentées ont intégré des mécanismes de défense pour se protéger de leurs émotions qui, autrement, les envahiraient. Pour s’autoriser à vivre les divers sentiments les habitant, les femmes battues ont besoin de percevoir leurs émotions sous un angle différent et neuf. Elles ont aussi besoin d’identifier les mécanismes de défense qu’elles ont élaborés pour annihiler ces émotions. Vous apporterez donc un nouvel éclairage sur la valeur des sentiments. Une case pour chaque émotion, voilà une méthode de survie qui permet aux victimes d’éviter de se sentir complètement détruites. L’ensemble du vécu émotif associé aux diverses agressions n’existe pas. La victime vit chaque agression comme étant un acte isolé, porteur de souffrances, mais l’ensemble de son vécu relié la violence lui échappe. Ainsi, chez la femme battue, la tristesse de ne pas être respectée ne s’ajoute pas à celle d’être maltraitée et violentée sexuellement, chaque vécu émotif demeurant isolé. Ce comportement lui donne l’impression de moins souffrir et lui permet de continuer à lutter contre l’effondrement.
Cette attitude de fuite fait l’objet d’une dénonciation de votre part. Vous regardez avec elle tous les exutoires par où les émotions manifestent leur présence : la somatisation, l’insomnie, la dépression, la consommation de drogue et/ou d’alcool. La femme violentée se voit confrontée à la réalité de la souffrance qui s’installe et s’accumule. De façon rationnelle, elle découvre l’existence de ses émotions et de ses mécanismes de négation. Elle peut voir les soupapes qu’elle utilise pour éviter d’affronter son vécu émotif. Ses propres pertes de contrôle face à ses enfants sont resituées dans l’éclatement de ses tensions accumulées. Cependant, cette analyse ne justifie nullement la perte de contrôle comme telle. Ainsi, la victime peut reconnaître ses mécanismes de défense et accepter la présence de ses sentiments.
Un autre principe qu’il faut modifier est celui affirmant qu’il est possible de se couper entièrement de ses émotions. Certaines femmes battues disent qu’elles ne ressentent plus aucune émotion. « Tout me coule dessus comme sur les plumes d’un canard. » Cette expression utilisée par une femme battue révèle, en fait, un déni de ses émotions. Cette attitude peut se maintenir quelque temps mais ses conséquences peuvent être redoutables : perte de contact avec la réalité, dépression, agressions, meurtre.
La femme battue doit apprendre que ce mode de fonctionnement indique qu’elle vit des sentiments pénibles et écrasants, qu’il est urgent qu’elle réagisse et libère progressivement ses émotions. Vous lui rappelez qu’elle est en situation de danger et perd ses moyens de défense en niant ce qu’elle vit. En effet, pendant cette période, la victime n’a plus ses « antennes protectrices » qui lui permettaient de détecter la progression du climat de violence. Elle risque de ne plus être consciente du danger dans lequel elle se trouve. Lui exprimer votre inquiétude à son égard peut lui faire prendre conscience de l’urgence de sa situation. Vous l’informez également du risque d’éclatement des tensions. Partager avec elle les motifs de cette défense émotive peut l’inciter à reconnaître quelques-unes de ses peurs et favoriser l’extériorisation de son vécu émotif.
La confirmation de ses émotions par l’agresseur fait partie des règles du jeu qu’il impose à sa victime. La femme battue accorde donc une grande importance à la validation de ses émotions par l’autre. Elle craint d’être ridicule en verbalisant ce qu’elle ressent. Pour aller de l’avant, elle attend souvent l’assentiment de l’autre. Ce mode de fonctionnement est discuté avec la victime. Ses inhibitions s’atténuent lorsqu’elle comprend ce processus de contrôle de l’agresseur. En valorisant ses capacités et ses émotions, la femme battue augmente sa confiance en elle et accepte davantage l’exploration de ses émotions.
Modifier certaines cognitions
Pour s’armer émotivement contre les manipulations de l’agresseur, la femme violentée doit apprendre à se débarrasser de ce qui ne lui appartient pas dans la situation de violence. En se distanciant des événements et en ayant un regard nouveau sur les méthodes d’oppression de l’agresseur, la cliente peut mieux se voir comme une victime et non comme un individu aux prises avec la « folie ». Vous pouvez accompagner ce type de réflexion en partageant avec elle, diverses connaissances sur la dynamique de la violence conjugale. Le cheminement émotif se fera de façon complémentaire.
Toutefois chez certaines femmes violentées, la reprise de possession de leurs émotions est, malgré tout, difficile à faire. Un certain « matériel-support » peut s’avérer efficace, dans ce cas.

Publié par Eddy J. Constant Pierre