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Violence.
VENDREDI 5 NOVEMBRE 2010
CONFLITS ET MÉDIATION - 12e partie
Conclusion
Le conflit interpersonnel existe toujours en médiation puisque deux parties poursuivent des objectifs opposés. La question est de savoir ce que l’on fait avec le conflit. Comment le gère-t-on? Comment l’utilise-t-on? Les conflits font partie de la vie et sont des occasions de façonner de nouveaux rapports entre les individus et d’inventer de nouveaux moyens de gérer les problèmes quotidiens. Le défi est de savoir comment les utiliser d’une façon productive. Les individus trouvent des nouvelles avenues lorsque l’on cesse de voir le conflit comme une bataille à gagner mais plutôt comme un problème à régler. Une conception positive des conflits et l’utilisation de la médiation pour les gérer sont les éléments de la médiation pour les gérer sont les éléments-clés d’une intervention qui vise à promouvoir le bien-être individuel et social.
De plus en plus, la médiation s’impose dans le champ des relations humaines. Des expériences de médiation ont été tentées avec succès dans les écoles pour minimiser l’impact négatif des conflits interpersonnels et permettre des relations harmonieuses entre les différents groupes. Les conflits entre les parents et les enfants peuvent également bénéficier des mécanismes de collaboration suggérés par la médiation. Elle favorise l’utilisation formelle ou informelle d’une tierce personne pour gérer efficacement les différends interpersonnels. Elle présuppose des habiletés de communication, un contrôle du processus et une transformation des éléments du conflit. Le recours à une tierce personne pour gérer les litiges n’est pas la seule solution possible. Cependant, lorsque les ponts sont brisés et que la communication interpersonnelle est inefficace, la médiation offre des possibilités d’une gestion constructive des conflits.
JEUDI 4 NOVEMBRE 2010
CONFLITS ET MÉDIATION - 11e partie
Le médiateur doit aussi diriger activement l’entrevue. Il assume le contrôle de la structure et du processus; il crée l’atmosphère, donne le rythme, facilite les échanges interpersonnels, interrompt un discours inapproprié et permet aux individus de se sentir à l’aise pour exprimer leurs points de vue. Son questionnement direct et précis fera surgir les informations manquantes et contribuera à générer les informations et les clarifications essentielles à la compréhension de la situation.
Une autre technique importante à la portée du médiateur est le recadrage. Elle consiste à changer la signification ou la charge émotive d’une interaction. Cette technique consiste à rediriger l’action dans un contexte « normalisé » et positif et à resituer une interaction dans un contexte où le changement devient possible. Changer le blâme en requête est une technique très efficace. Cette reformulation permet de s’éloigner d’un comportement répétitif basé sur la désapprobation et d’identifier les changements susceptibles de faire disparaître les causes du conflit.
Donald Saposnek a développé une technique qu’on peut appeler le désamorçage. Elle consiste à verbaliser les comportements destructifs et les nommer de façon à les décourager. En d’autres termes, il s’agit d’identifier un comportement indésirable en prédisant son avènement et en suggérant des façons plus efficaces de gérer la difficulté.
L’utilisation des métaphores est une autre technique à la disposition du médiateur. Elle lui permet de persuader indirectement par une anecdote ou un récit dramatisé. En faisant allusion d’une façon subtile aux changements possibles ou réalisés ou en décrivant une choses en utilisant des termes qui s’appliquent à une autre, le médiateur permet de sensibiliser les individus à une réalité différente et à un comportement plus constructif.
Prescrire des tâches et donner des informations précises ont pour but d’identifier les « devoirs à faire » et de clarifier ainsi les possibilités d’action. Le médiateur fournira les renseignements ignorés par le client et lui facilitera l’utilisation d’une ressource méconnue.
Enfin, le médiateur saura utiliser à bon escient les techniques de confrontation. Elles consistent à amener les individus à faire face au décalage entre ce qui est dit et ce qui est fait; c’est une invitation à examiner sa propre conduite et la modifier selon la situation.
Cette liste des techniques n’est pas exhaustive mais elle représente des outils efficaces pour gérer les conflits interpersonnels. Ces habiletés doivent demeurer congruentes avec les principes de base de la médiation qui sont de redonner le pouvoir aux personnes et leur permettre de prendre elles-mêmes les décisions qui les concernent. Elles doivent permettre d’utiliser les compétences individuelles au maximum.
MERCREDI 3 NOVEMBRE 2010
CONFLITS ET MÉDIATION - 10e partie
Les techniques de la programmation neurolinguistique suggèrent des outils de communication efficaces. Elles permettent aux individus de comprendre le système de représentation de l’autre. Ces techniques mettent l’accent sur le déroulement de la communication et non sur le contenu. Elles permettent de développer une acuité sensorielle, une flexibilité de comportement et une congruence. Elles visent à aider les individus à utiliser à fond leurs compétences personnelles plutôt que de se limiter à des comportements répétitifs qui restreignent leur liberté d’expression. Soulager l’individu des obstacles à une vision objective de la difficulté à surmonter, le mettre en contact avec ses désirs les plus profonds et lui permettre d’être à l’écoute de lui-même et des autres sont les objectifs de ces techniques.
Le médiateur utilisera également d’autres techniques d’entrevue qui sont susceptibles de faire progresser la négociation des conflits interpersonnels. Les techniques énumérées ici pourraient être utiles.
La première est l’écoute active. Le médiateur saura non seulement démontrer une compréhension empathique de l’expérience des participants mais il fera ressortir la démarche concrète qui s’impose; il utilisera les techniques de reflet, de paraphrases, du maintien du contact, etc. Ici la connotation positive, l’acceptation et le respect de la personne humaine sont des éléments essentiels. L’observation des comportements permettra une compréhension du vécu émotif des personnes. Par l’utilisation appropriée des questions ouvertes et fermées, le médiateur pourra reconnaître les enjeux importants d’une situation.
MARDI 2 NOVEMBRE 2010
CONFLITS ET MÉDIATION - 9e partie
Les techniques de communication
La communication est le véhicule de l’expression du conflit. La reconnaissance du conflit et l’expression de celui-ci sont les premiers pas vers sa gestion. On sait que les conflits non exprimés sont impossibles à gérer et résultent en des frustrations qui conduisent à la rupture de la relation interpersonnelle. En plus d’une capacité à évaluer les éléments d’un conflit, à identifier les intérêts en jeu et à susciter la motivation à une meilleure gestion des conflits, le médiateur se doit d’être un communicateur habile qui sait utiliser le processus et le contenu de l’échange pour favoriser une interaction constructive. Sans craindre le conflit, il doit naviguer dans des eaux troubles et utiliser toutes ses ressources pour permettre aux parties de dépasser le désir de vengeance et d’agressivité pour les centrer sur la tâche à accomplir. Les principes exprimés précédemment seront précieux. Le rôle du médiateur n’est pas de manipuler les individus ou de réduire le conflit mais bien d’en faciliter la gestion immédiate et d’établir des procédures pour la gestion de tels conflits dans le futur. La tâche du médiateur est de favoriser un climat où les parties seront dans une disposition d’esprit qui leur permettra de s’ouvrir aux possibilités qui s’offrent à eux. Les techniques de communication doivent être utilisées pour réduire les obstacles à une compréhension des enjeux et à une recherche des intérêts mutuels. Il existe plusieurs approches et techniques de communication qui peuvent susciter cette coopération. Le défi est de concilier les intérêts personnels et les intérêts communs. Le médiateur doit être en mesure d’influencer le processus pour faire avancer le débat et promouvoir une gestion des conflits qui tiendra compte des besoins, des valeurs et des intérêts de tous les acteurs concernés.
LUNDI 1 NOVEMBRE 2010
CONFLITS ET MÉDIATION - 8e partie
Le cheminement d’une négociation
Le graphique 2 illustre le mode d’établissement d’une position au moment d’un conflit ou d’une négociation. La personne émet une prise de position basée sur ses perceptions de ce qui est réalisable. Cette perception s’est développée à partir de l’hypothèse ou des hypothèses que l’on a identifiées comme susceptibles de répondre d’une manière satisfaisante à ses besoins, de tenir compte de ses valeurs ou d’être à la mesure de ses intérêts. En d’autres termes, on bâtit sa position en partant, par exemple, d’une valeur ou d’un besoin suivi par une hypothèse sur la façon de satisfaire ce besoin; cette hypothèse conduit à une perception qui à son tour se convertit en position. Comme les positions sont trop polarisées et impossibles à changer et que les besoins, les valeurs et les intérêts sont difficilement changeables, le négociateur ou le médiateur se concentrera sur les hypothèses émises et créera des doutes sur la valeur d’une seule hypothèse pour rencontrer les besoins identifiés. Il existe d’autres hypothèses qui peuvent également être envisagées et qui comporteront une capacité d’incorporer les besoins mutuels des parties. Le médiateur devient un générateur d’idées capable de présenter des options nouvelles de façon à agrandir la gamme des possibilités.

Le médiateur doit connaître les besoins, les intérêts et les valeurs qui se cachent derrière les positions rigides des individus et travailler à identifier les intérêts qui pourront faciliter le compromis et la collaboration. Le principal outil à la disposition du médiateur est la communication.
VENDREDI 29 OCTOBRE 2010
CONFLITS ET MÉDIATION - 7e partie
La négociation raisonnée
Dans « Comment réussir une négociation », Fisher et Ury présentent quatre principes d’une négociation basée sur les intérêts qu’ils appellent une négociation raisonnée. Les mots-clés sont les individus, les intérêts, les options et les critères.
Le premier principe est de « traiter séparément les questions de personnes et le différend ». Trop souvent, dans un conflit, on est davantage motivé par la peur et la colère ou encore par le désir de vengeance plutôt que par le désir de trouver une solution au problème à résoudre. Les difficultés de communication peuvent se résumer en trois points : on ne se parle plus; on n’écoute pas ce que l’autre dit; ou encore on interprète faussement les propos de l’autre. De là l’importance d’une reprise du dialogue, d’une communication claire et précise et d’une clarification des malentendus. L’accent est mis ici sur la création d’un climat de coopération plutôt que sur un règlement de compte basé sur les différences individuelles; c’est de susciter un intérêt vers un problème à résoudre et de travailler ensemble vers un but commun plutôt que de tenter d’augmenter son pouvoir personnel. De plus, les individus sont aussi motivés par l’intérêt de préserver des relations positives avec l’autre partie. En matière de divorce, par exemple, les individus savent qu’ils continueront d’être des parents et qu’ils ont avantage à maintenir des liens opérationnels avec l’autre parent. S’ils sont convaincus de cela, ils seront motivés à trouver un terrain d’entente et des solutions qui seront mutuellement acceptables.
Si le premier principe considère les aspects relationnels, le deuxième s’adresse à l’objet du litige. Il suggère de « se concentrer sur les intérêts et non les positions ». Le conflit s’exprime habituellement par une prise de position radicale et non équivoque. « Les enfants resteront avec moi et ils ne seront pas soumis à la présence de ta nouvelle partenaire » dira l’épouse trahie qui craint d’être remplacée par cette nouvelle partenaire dans le cœur de ses enfants. Plus on clarifie la prise de position, plus on la défend. Le danger est de mettre toutes ses énergies à gagner une position plutôt que de rechercher à satisfaire ses besoins ou intérêts. Les prises de position distancient les parties et se limitent aux intérêts individuels aux dépens des intérêts mutuels et conciliables. Le graphique 1 illustre bien la différence entre les intérêts et les positions. Lorsque les parties présentent leurs positions, l’écart qui les sépare est insurmontable et les positions sont nettement incompatibles. Par ailleurs, lorsqu’on examine les intérêts en jeu, on constate une certaine mutualité d’intérêts qui représente un espoir d’en arriver à une solution négociée. La position représente les intérêts d’une seule partie et masque des préoccupations, des désirs, des peurs sous-jacents. Les positions sont l’expression de la perception d’une solution unique pour un intérêt donné, alors qu’il existe beaucoup d’autres solutions qui pourraient être envisagées. De là l’avantage de mettre l’accent sur les intérêts qui rapprochent les individus plutôt que sur les positions qui les divisent.

Le troisième principe est « d’inventer des solutions procurant un bénéfice mutuel ». Suggérer des solutions différentes, créer des options et des scénarios qui n’avaient pas encore été considérés, semer des doutes sur la validité de la position avancée amènent les parties à élargir le champ des possibilités et à considérer autre chose que la position avancée. Lorsque l’on tente de résoudre un conflit et de rivaliser avec un adversaire, on se limite à une vision très limitée de la réalité. Pour résoudre le conflit, il faut agrandir la sphère des possibilités.
Enfin le dernier principe concerne « l’utilisation de critères objectifs ». Les critères et procédures doivent être identifiés au préalable. Les parties doivent s’entendre sur les procédures à suivre pour régler le litige. La procédure doit garantir l’équité. Les critères peuvent être basés sur des standards tels que le coût, l’efficacité, les précédents, la réciprocité, etc. Pour un couple en instance de divorce, par exemple, on peut s’entendre sur les modalités des contacts avec les enfants et sur la contribution financière avant de décider de l’endroit de la résidence.
Ces quatre principes de collaboration peuvent guider les individus dans la poursuite d’une gestion efficace de leur différend.
JEUDI 28 OCTOBRE 2010
CONFLITS ET MÉDIATION - 6e partie
Implications pour l’intervention
Le conflit est une lutte concernant des objectifs qui sont perçus comme étant incompatibles. Il importe de bien connaître les objectifs poursuivis et les enjeux qui sous-tendent le conflit. Quand les objectifs poursuivis sont clairs, ils sont plus facilement atteints ou modifiables. Plusieurs instruments d’évaluation ont été développés pour assurer une meilleure compréhension d’un litige. L’analyse de la situation est le premier pas vers une action réfléchie. Cette analyse se fait conjointement avec les différents acteurs du conflit.
Pour une gestion efficace du conflit, le médiateur devra tenir compte des éléments suivants dans ses interventions auprès des parties en conflit :
- présenter des choix et options qui sont à l’intérieur des possibilités des parties impliquées;
- traiter les conflits comme une expérience interpersonnelle, non pas comme des choses à régler;
- prendre la responsabilité pour que la communication soit claire et précise;
- se rappeler que les conflits se composent d’un contenu et de relations interpersonnelles;
- inclure les éléments émotionnels et les données objectives dans la formulation des objectifs à poursuivre;
- éviter d’atteindre un accord prématuré;
- commencer la négociation par les points les plus faciles à résoudre;
- éviter de faire prendre position et de céder trop facilement;
- éviter d’énoncer les buts en termes de gagnant et de perdant : parler en termes de ce qui est mutuellement désirable pour les deux parties;
- partager les sentiments positifs et montrer de la compréhension pour les points de vue des autres.
MERCREDI 27 OCTOBRE 2010
CONFLITS ET MÉDIATION - 5e partie
La médiation comme processus de gestion des conflits
La médiation est une approche qui a émergé au cours de la dernière décennie comme moyen efficace de gérer les conflits interpersonnels. Appliquée au domaine des conflits familiaux et conjugaux, elle offre les possibilités d’une intervention constructive auprès des individus et des familles. Elle leur permet de garder la mainmise sur les décisions à prendre et de conserver ainsi l’intégrité de leur autonomie individuelle ou familiale. (Lévesque).
La médiation comme processus de résolution des conflits, ou mieux encore comme processus de gestion des conflits, vise à enlever les obstacles à une utilisation positive des conflits et à favoriser les opportunités de croissance. Le médiateur a la responsabilité du processus; il est un guide qui permet aux individus de ne pas éviter les conflits et de traiter de leurs différences et divergences sans couper les ponts d’une façon définitive. En d’autres termes, la médiation veut s’attarder au côté « opportunité » du conflit. Contrairement à l’intervention thérapeutique qui explore en profondeur le sens des relations interpersonnelles conflictuelles, la médiation est une façon de gérer les conflits tout en gardant le contrôle sur la décision à prendre et sans pour autant effectuer un changement profond de la personnalité.
MARDI 26 OCTOBRE 2010
CONFLITS ET MÉDIATION - 4e partie
Les réactions personnelles au conflit
Face à un conflit, les individus ont différents choix qui s’offrent à eux. Selon leurs expériences de vie, leur personnalité, leur pouvoir politique et personnel, les enjeux, leurs croyances et intérêts, ils réagissent différemment lorsque confrontés à une situation conflictuelle. Ils développent un style personnel et une approche caractéristique qui ont une signification pour eux. Il n’y a pas nécessairement un style meilleur qu’un autre. L’adaptabilité du style et la flexibilité de l’individu face aux exigences de la situation sont des atouts importants.
Pour les uns, l’évitement du conflit est la première façon de réagir. Tout est mis en œuvre pour l’ignorer et agir comme si le conflit n’existait pas. La confrontation doit être évitée à tout prix. Le problème à résoudre est balayé en dessous du tapis. Certaines personnes voient le conflit comme l’indication d’un problème profond et veulent l’éviter ou le reporter à plus tard. Satir a identifié des modes de communication dysfonctionnels qu’on pourrait utiliser ici pour faire le parallèle avec la réaction personnelle face à un conflit. La personne ne cherche qu’à plaire pour éviter la confrontation. Elle s’excuse d’une façon excessive et tente de disparaître pour ne pas déplaire. Elle est prête à tout même à ses propres dépens pour ne pas amorcer une confrontation. Satir fait le lien ici avec une estime de soi faible.
Une autre façon de répondre au conflit est d’en causer l’escalade, de l’élargir et de l’envenimer pour enfin percer l’abcès. Profiter du conflit pour tenter de gérer l’ensemble de la relation. Le type « blâmant » décrit par Satir correspond bien à ce type de réponse.
On peut aussi minimiser le conflit et le réduire à sa plus simple expression. Au lieu de le gérer, on lui donne une importance moindre. « Tu t’en fais toujours pour rien ». « Tu vois des problèmes partout ». Le type « hors propos » de Satir convient bien à cette description.
Enfin, le maintien du conflit est une stratégie souvent choisie par les individus. Cette décision est habituellement liée à des gains anticipés résultant du maintien du conflit.
Selon Hart and Burks, la flexibilité du comportement, c’est-à-dire la possibilité de changer son comportement en fonction des situations, est une des qualités importantes à développer pour le facilitateur ou le médiateur dans un conflit interpersonnel. Ne pas avoir un style unique de communication, mais plutôt un style qui va s’adapter aux besoins des parties en litige. La capacité de ne pas céder sous la pression et de fonctionner malgré l’ambiguïté de certaines situations est essentielle à une gestion efficace des conflits.
En définitive, il est important d’altérer la structure d’un conflit et de la restructurer pour en assurer la gestion. Il faut observer les comportements, identifier les options possibles et finalement faire ressortir les avantages à une solution qui tiendra compte des intérêts en jeu. La médiation comme processus de gestion des conflits doit considérer ces trois éléments.
LUNDI 25 OCTOBRE 2010
CONFLITS ET MÉDIATION - 3e partie
Les sortes de conflits
La reconnaissance du conflit est le premier pas vers une gestion efficace de celui-ci. Les conflits peuvent se catégoriser de diverses façons. Pour le médiateur, il importe de bien évaluer les causes du conflit avant de choisir la méthode d’intervention appropriée. Wehr a identifié six causes principales et suggéré des procédures d’intervention. La première tâche du médiateur est de bien comprendre les causes du conflit et de diriger l’énergie des participants à trouver une solution.
Le litige peut être dû à un problème d’information. Il y a alors conflit sur les données. Les informations peuvent être insuffisantes, fausses et tout simplement être l’objet d’une évaluation ou d’une interprétation différente de la part des parties, soit qu’on ne donne pas la même importance aux mêmes choses ou qu’une interprétation personnelle des données empêche les individus de gérer le différend. Le médiateur doit alors s’assurer que toutes les données soient disponibles et clairement comprises, que l’on s’entende sur les priorités et que des critères communs soient développés pour débloquer l’impasse.
Les conflits de valeurs divisent fréquemment les individus. On utilise, par exemple, des critères différents pour évaluer ce qui est acceptable ou non dans un comportement. Les styles de vie diffèrent considérablement d’une culture à l’autre et à l’intérieur de la même culture. Les idéologies et les religions donnent naissance à des croyances et à des attitudes qui sont déterminantes pour la conduite et le comportement. Face aux conflits de valeurs, le médiateur évitera de définir les problèmes en termes de valeurs; il laissera les accords et les désaccords s’exprimer et tentera de trouver les points qui seront mutuellement acceptables pour les parties en litige.
Les conflits d’intérêts se rencontrent fréquemment dans les rapports entre les individus. Ils sont basés sur la compétition réelle ou perçue , ou encore sur des divergences basées sur le contenu ou sur les procédures. Ces conflits donnent lieu à des positions rigides de la part des acteurs. Le médiateur mettra l’accent sur les intérêts mutuels qui se cachent derrière les positions. Il cherchera à créer des options et à développer des solutions qui permettront la satisfaction des besoins. Il soulignera les forces en jeu et tentera d’ébranler les positions qui ne font qu’accentuer les différences.
Les conflits peuvent aussi être de type relationnel. Ces conflits se rencontrent souvent là où les individus ont été liés par des relations intimes. Les émotions négatives sont grandes et empêchent de voir les éléments de solution du litige. Les émotions ont besoin d’être contrôlées et la communication améliorée. Le médiateur favorisera la communication directe et tentera de créer un climat de confiance propice au développement de perceptions réciproques plus positives.
Enfin, au autre type de conflits est le conflit structurel. Il est souvent causé par une distribution inégale des ressources ou encore par un déséquilibre dans les pouvoirs que détiennent les parties. Les contraintes de temps ou les contraintes géographiques sont aussi génératrices de conflits structurels. Dans ce type de conflits, les modes de comportement et d’interaction sont souvent destructeurs. Le médiateur tentera d’établir une façon plus juste et plus démocratique de prendre les décisions, d’atténuer les modes de comportement négatifs et de favoriser une meilleure distribution des ressources.
VENDREDI 22 OCTOBRE 2010
CONFLITS ET MÉDIATION - 2e partie
La nature des conflits
La conception des conflits a varié à travers les époques. Robbins a identifié trois façons différentes de considérer les conflits dans les organisations : la conception traditionnelle, la conception behavioriste et la conception moderne. La conception traditionnelle a prédominé durant les années 1930 et 1940, à savoir que les conflits étaient indésirables et devaient être évités à tout prix. La conception behavioriste qui caractérisait les années 1950 et 1960 définissait les conflits comme étant inévitables mais ne devant pas être encouragés. Et enfin, la conception moderne des conflits préconise la nécessité du conflit comme un élément de la qualité de vie de l’organisation. Dans cette perspective, le conflit ne doit pas être évité ou supprimé mais plutôt géré avec efficacité.
Coser, Deutsch et Wehr sont parmi les auteurs qui ont étudié la nature des conflits et qui ont suggéré l’importance d’une conception positive de ceux-ci. Le but de cet article n’est pas de reprendre cette thèse mais plutôt de considérer l’application concrète d’une méthode de gestion de conflits. La médiation offre cette possibilité de transposer en principes d’intervention des éléments théoriques qui ont émergé durant les dernières années dans le domaine de la résolution des conflits.
Deutsch, par ses travaux, a élaboré une base théorique pour la résolution des conflits. Selon cet auteur, il y a conflit lorsque des activités incompatibles existent. Selon que ces activités sont à l’intérieur de la personne, à l’intérieur d’un groupe ou d’une collectivité, le conflit aura une connotation de conflit personnel, de conflit de groupe ou encore de conflit national ou international. L’auteur offre également une typologie des conflits. Il présente six sortes de conflits : le « vrai conflit » ou deux activités sont nettement en opposition et où un moyen terme ne peut être trouvé à moins d’un compromis entre les parties; le « conflit contingent » qui est dépendant de certaines circonstances pas encore reconnues par les belligérants; le « conflit déplacé » où les deux parties se disputent sur des points qui ne sont pas les vrais points de discorde; le « conflit exprimé » qui est le conflit manifeste alors qu’il existe aussi un conflit caché; le « conflit mal attribué » qui est un litige entre les mauvaises personnes; le conflit « latent » où l’objet du conflit n’a pas encore été identifié; et le « faux conflit » ou celui qu’aucune raison objective ne justifie : l’information erronée ou la mauvaise interprétation en sont souvent la cause. Ces différents types de conflits ne sont pas mutuellement exclusifs. Deutsch identifie les principaux éléments qui se retrouvent presque toujours dans un conflit. Ils sont le contrôle des ressources, soit l’espace, le temps, l’argent, le pouvoir, etc., les préférences personnelles, les valeurs, les croyances et la nature de la relation entre les parties.
Alors qu’il est important d’examiner la nature intrapersonnelle des conflits, le présent article se préoccupe davantage des conflits pour les gérer. Il est important de noter que les conflits n’originent pas nécessairement de la poursuite d’objectifs différents. Par exemple, les parents peuvent avoir le même objectif, soit le bien-être de leurs enfants, mais différer sur la façon d’atteindre cet objectif. Le défi du médiateur est d’aider les individus à dépasser leur désir de vengeance et de diminuer leur agressivité pour en arriver à concilier des objectifs ou la poursuite d’objectifs qui sont à première vue différents.
JEUDI 21 OCTOBRE 2010
CONFLITS ET MÉDIATION - 1e partie
L’utilisation positive des conflits et la médiation
Les conflits font peur. La tendance ou le réflexe est de croire que le conflit est mauvais en soi et qu’il doit être évité à tout prix. La plupart des individus associent le mot « conflit » avec querelle, bataille, bagarre, dispute, guerre et violence. Il suffit de demander à un groupe d’individus de faire une association d’idées sur le mot « conflit » pour se rendre compte de la connotation négative qu’on lui donne. Par ailleurs, un conflit peut être également source de changement et occasion de dépassement. Il ébranle les croyances, interpelle le statu quo et exige la remise en question continuelle des règles de conduite. Le conflit, dans ce sens, a une double nature : il est créatif et source de changement ou encore source de malheur et souvent de catastrophe lorsque non résolu. Le caractère chinois pour le mot conflit est composé de deux signes superposés : l’un veut dire danger et l’autre opportunité. Le danger est de demeurer dans une impasse qui draine les énergies individuelles; l’opportunité est d’envisager des options et de s’ouvrir à des possibilités qui vont permettre de façonner de nouveaux rapports entre les individus et d’inventer de nouveaux moyens de gérer les problèmes quotidiens. Quand les conflits interpersonnels ne sont pas résolus, les individus ont tendance à épouser le conflit au lieu de le dépasser.
Le conflit interpersonnel a déjà été défini comme un événement joué par des acteurs interdépendants qui poursuivent ou se perçoivent comme poursuivant des buts différents. Ce n’est ni bon ni mauvais en soi; c’est une communication entre des individus. Dans ce sens, les conflits sont inévitables dans les rapports humains. Ils permettent des rapports sains entre les individus. Dans ce sens, les conflits sont inévitables dans les rapports sains entre les individus et doivent être vus comme faisant partie de la vie de tous les jours et résolus d’une façon positive. Lorsque les individus ne peuvent résoudre leurs conflits eux-mêmes, ils peuvent recourir à une tierce personne pour les aider. Il existe plusieurs méthodes de résolution des conflits. La conciliation, la négociation et l’arbitrage sont des moyens connus et utilisés par les parties qui ont des litiges à solutionner. Quant à la médiation, elle implique l’intervention demandée et acceptée d’une tierce personne impartiale et n’ayant pas l’autorité de prendre la décision, dans le but d’aider les parties à s’entendre sur une solution mutuellement acceptable.
Pour Justin Lévesque, son interprétation est de suggérer une opérationnalisation des concepts théoriques réelles à l’utilisation positive des conflits. En d’autres termes, comment peut-on en arriver à une application concrète ou à un modèle de gestion efficace des conflits interpersonnels? La médiation offre des éléments de réponse qu’il convient de considérer. Dans un premier temps, la nature des conflits, les différents types de conflits interpersonnels et les réactions à ces conflits seront explorés. Dans un deuxième temps, la médiation et les stratégies de résolution des conflits seront exposées et les techniques de négociation utilisées par le médiateur dans la gestion des conflits interpersonnels seront discutées. Les propos et techniques suggérés dépassent le champ de la médiation familiale même si celle-ci sera l’objet principal de référence.
LUNDI 30 AOÛT 2010
VIOLENCE vs RÉFUGIÉS - 8e partie
INTERVENIR…
Seule une intervention sociale qui intègre les principes de base de l’approche inter-culturelle a des chances d’être efficace et de répondre aux besoins des réfugiés. Une telle approche implique, entre autres, beaucoup d’écoute, beaucoup de patience et surtout beaucoup de souplesse et d’ouverture d’esprit. Elle exige qu’on soit continuellement conscient de la distance culturelle, psychologique et parfois linguistique entre l’intervenant et le client, c’est-à-dire qu’il faut se méfier comme de la peste des conclusions faciles, logiques, car peut-être ne possédons-nous pas la même logique que les réfugiés.
Il convient d’accorder une importance capitale aux dynamiques qui se développent chez les jeunes dans les écoles et les centres de loisirs où ils se tiennent. C’est à ces endroits que l’essentiel du travail social auprès des jeunes devrait se faire de façon intense dans le but de promouvoir, dans les faits et non seulement en palabres, l’intégration inter-ethnique et inter-raciale des jeunes sans un travail massif à ce niveau, nous nous préparons des jours très sombres : mon expérience en tant qu’intervenant me fait craindre le pire.
Les intervenants peuvent éventuellement rencontrer dans leur pratique des personnes qui ont subi la torture et portent encore dans leur tête, sinon dans leur corps, les traces traumatisantes de ces expériences. Il est important d’être attentif à certains symptômes, tels que l’insomnie, des angoisses, des phobies insolites, l’irritabilité, etc.
Il est urgent d’inventer de nouvelles formules de soutien aux familles de réfugiés. L’application bureautique et socio-judiciaire de la Loi sur la protection de la jeunesse et de la Loi sur les jeunes contrevenants est peut-être une nécessité sociale incontournable. Mais de nouvelles mesures visant à rejoindre différemment les mêmes objectifs doivent être inventées, et il faut surtout que les parents souvent complètement désemparés et confus soient soutenus plutôt qu’accablés, comme c’est malheureusement bien souvent le cas aujourd’hui.
Sixièmement, il est nécessaire d’évaluer en profondeur l’ensemble des ressources offertes comme milieu de vie substitut, telles que les centres d’accueil, les familles d’accueil, dans le but de rajuster les services aux nouvelles réalités multiculturelles de Montréal.
Enfin, il est essentiel de garder à l’esprit que des personnes rendues très vulnérables par leur passé marqué par des situations de grande violence sont très sensibles à tout ce que véhicule de « violence » l’intervention sociale institutionnalisée et les services publics en général, surtout quand la personne qui est devant nous possède à peine quelques notions de français ou d’anglais. Redoubler de patience et d’empathie constitue le premier service à rendre à ces personnes, souvent lourdement éprouvées par la violence et les autres tracasseries de la vie.
VENDREDI 27 AOÛT 2010
VIOLENCE vs RÉFUGIÉS - 7e partie
LA VIOLENCE ET LES JEUNES RÉFUGIÉS À MONTRÉAL
Dans un texte remarquable portant sur « Les enfants de la guerre », Nayiri Tavlian trace un tableau saisissant de ce que signifie pour des jeunes de vivre et de survivre dans un contexte de violence généralisée :
« Les enfants qui grandissent dans un environnement de guerre et de violence
développent des valeurs d’auto-défense physique et psychologique, qui leur
permettent de pouvoir survivre… »
Madame Tavlian est d’origine libanaise et sait très bien de quoi elle parle, le Liban étant malheureusement devenu le symbole d’une guerre civile interminable, de massacres, d’attentats, etc.
Par un phénomène pervers d’identification aux méthodes utilisées par leurs agresseurs, certaines jeunes victimes de la violence sous toutes ses formes peuvent être amenées à considérer la violence comme un moyen normal et efficace de solutionner les conflits. Et les occasions de conflits ne manquent certes pas dans leur nouvelle société.
Dès leur arrivée, les jeunes réfugiés sont plongés dans une époque et une société où les jeunes valorisent la violence sous toutes ses formes sous l’influence, entre autres, de la télévision et de jeux vidéo. Par ailleurs, on remarque à Montréal une recrudescence des attitudes xénophobes ou racistes, sous l’impulsion de deux facteurs principaux : la récession économique et l’apparition de groupes organisés d’inspiration néo-nazie ou raciste, tels les « skin-heads » et le K.K.K.
Une troisième donnée vient compliquer la situation : les jeunes réfugiés du niveau secondaire entrent dans des polyvalentes en pleine crise où l’anonymat et une règlementation tatillonne sont peu adaptés à leur tempérament et à leurs habitudes culturelles. Comme conséquence, de nombreux jeunes réfugiés du niveau secondaire sont placés sur des voies d’évitement ou envoyés au secteur adulte. Surtout dans le cas des mineurs qui n’ont pas de famille immédiate au Canada, les risques de se retrouver dans les rues de la métropole en train de flâner sont réels et lourds de conséquences.
Ces dernières remarques peuvent laisser un goût alarmiste amer. Elles sont plutôt dictées par le sentiment de l’urgence de la situation : notre avenir à tous comme société tolérante et pacifique va se jouer autour de l’école et des centres de loisirs, là où se regroupent et malheureusement trop souvent s’affrontent les jeunes.
Pour terminer cette partie, je fais mienne la conclusion de Nayiri Tavlian, vu que je partage entièrement sa vision des choses :
« Les enfants de la guerre (et je me permets d’ajouter : les enfants de la
violence) sont exceptionnels à plusieurs titres. Ils ont pu survivre dans un
enfer dans lequel leurs aînés ont souvent succombé, et ont ainsi développé une
volonté hors du commun, dont ils se servent pour s’enfermer dans leur monde
imaginaire à eux. Si seulement nous pouvions contribuer à libérer ces volontés
emprisonnées. »
JEUDI 26 AOÛT 2010
VIOLENCE vs RÉFUGIÉS - 6e partie
Les conséquences psychologiques de cette situation ont été décrites dans diverses enquêtes, comme celles menées par le Comité inter-églises à Toronto et le Dr. Cécile Rousseau à Montréal.
Deuxième élément de déception et de tension : la vie dans le nouveau milieu n’est pas celle dont on avait rêvée; au contraire, elle est souvent très éprouvante. Cinq sortes de difficultés frappent les réfugiés à leur arrivée :
-Des ressources matérielles très limitées;
-L’accès à l’emploi bloqué ou
très difficile;
-Le choc du déracinement, doublé par le choc culturel chez
ceux qui possèdent un bagage culturel très éloigné du nôtre;
-Les tensions
inter-ethniques et interraciales en recrudescence dans le monde occidental;
-La méfiance de la population envers les réfugiés, accentuée par la question
nationale.
Dans ce contexte, les réfugiés ont en général le sentiment qu’ils ne sont pas les bienvenus dans le nouveau pays. Comme nous l’avons déjà souligné, ils n’étaient pas préparés à cela.
Aux difficultés qui se présentent à l’arrivée viennent s’ajouter d’autres problèmes qui étaient plus latents alors que toutes les énergies des individus et des familles étaient monopolisées par la lutte pour la survie. Sauf des exceptions qui confirment la règle, les conflits intra-familiaux explosent dans une deuxième étape de l’adaptation, sous forme de conflits conjugaux et de conflits entre les parents et leurs enfants. Ces conflits se transforment parfois en violence envers les femmes et envers les enfants.
Plusieurs réfugiés proviennent de sociétés où les rapports hommes-femmes sont de type traditionnel. Il en va de même pour les rapports parents-enfants qui sont axés sur l’autorité quasi despotique du père. La correction physique des enfants et parfois même de l’épouse peut venir en conflit avec nos valeurs modernes qui favorisent d’autres façons de régler les situations conflictuelles ou d’asseoir l’autorité parentale.
Cette inévitable adaptation culturelle à certaines valeurs du nouveau pays, exigée par les lois sociales (Code civil du Québec, Loi sur la protection de la jeunesse, etc.), trouve une réponse positive chez les femmes ou chez les enfants, mais elle affecte souvent négativement les hommes qui perçoivent la limitation de leur pouvoir d’époux et de père comme une dépossession de tous leurs moyens habituels, sans y trouver de succédané. Souvent, leur désarroi se manifeste de double façon : laisser-aller ou violence; parfois les deux attitudes s’alternent selon les humeurs du moment.
En somme, on constate que le stress et la violence subis dans le pays d’origine, combinés aux nombreuses difficultés rencontrées dans le nouveau milieu, rendent les réfugiés particulièrement vulnérables au plan de la résistance au stress; ils peuvent ainsi être amenés à poser, à leur tour, des gestes de violence tout à fait inacceptables. Dans ces cas, les victimes de violence perpétuent à leur tour les gestes de violence, selon un mécanisme psychologique bien connu par les spécialistes .
MERCREDI 25 AOÛT 2010
VIOLENCE vs RÉFUGIÉS - 5e partie
LES SÉQUELLES DE LA VIOLENCE DANS LE NOUVEAU PAYS
La grande majorité des réfugiés qui arrivent au Québec portent dans leur mémoire et parfois aussi dans leurs chairs les marques de la violence subie dans le pays d’origine.
Dans la phase initiale de la quête de sécurité et de liberté pour lui et pour sa famille, le réfugié concentre toutes ses énergies à la réalisation du projet. Malgré les difficultés et les souffrances, il se projette dans le futur et est poussé à idéaliser le pays vers lequel il se dirige, du moins quand cette terre de sécurité et de liberté est un pays moderne et relativement riche. Parmi les pays occidentaux le Canada et le Québec apparaissent, vus de l’extérieur, comme la terre bénie.
Cette image positive de notre pays trouve naturellement des fondements objectifs dans la réalité d’ici. Par contre, les attentes de départ, nourries et idéalisées, sont trop nombreuses et souvent irréalistes. Face aux premières difficultés dans le nouveau pays, le réfugié devient confus, déçu et parfois amer.
Comme il arrive souvent après un événement traumatisant, par exemple lors d’un accident d’auto, c’est seulement un jour ou deux plus tard que la peur se fera le plus sentir; sur le coup on peut se sentir très calme. Il en va de même pour certains réfugiés qui ont surmonté avec courage d’énormes difficultés dans leur pays et qui se montrent parfois peu résistants face aux difficultés moins graves dans le nouveau pays.
Tout récemment, une famille d’origine libanaise s’est fait expulser de façon brutale de son logement par un propriétaire intraitable. Autant monsieur que madame furent très bouleversés par cette mésaventure évidemment peu agréable. Mais ce qui m’a beaucoup frappé, c’est la réflexion suivante, exprimée par madame et approuvée par monsieur : « Ici, c’est pire qu’au Liban. Dans notre pays, on te tire dessus, on te tue, mais on ne te met pas dehors de ton logement de cette façon! »
Aux premières difficultés dans le nouveau pays, le réfugié risque donc de tomber de très haut. Sa décision peut se manifester sous forme de dépression ou d’agressivité à fleur de peau. Or, les difficultés et les tracasseries de toutes sortes ne manquent certes pas dans le nouveau pays. À leur arrivée, les personnes qui viennent au Canada comme demandeurs d’asile doivent passer par une enquête quasi judiciaire fort éprouvante. Cette étape suscite déjà beaucoup d’insécurité et constitue un mauvais point de départ dans la nouvelle vie. En plus d’être très stressant, le processus visant à établir le bien-fondé de la demande de refuge peut devenir très long et causer à ces personnes de restrictions importantes pendant plusieurs mois, voire même pendant plusieurs années, telles que l’absence d’allocations familiales ou de permis de travail, la séparation des familles, etc.
MARDI 24 AOÛT 2010
VIOLENCE vs RÉFUGIÉS - 4e partie
LES DIFFÉRENTES FORMES DE VIOLENCE SUBIES DANS LE PAYS D’ORIGINE
Certaines populations du globe sont victimes de calamités ou de désastres naturels (famines, ouragans, inondations, tremblements de terre, etc.) qui provoquent leur déplacement forcé. Il s’agit, bien sûr, de situations qui interpellent notre sens de la solidarité humaine. Mais ce n’est pas de ce type de réfugiés dont je désire parler ici.
Les victimes des nombreuses guerres qui affligent encore notre planète risquent de passer par toute la gamme de la violence dont les êtres humains seuls sont capables. Il y a la violence qui frappe de façon aveugle et massive, causant la destruction et la mort sur son passage et il y a les règlements de comptes féroces entre groupes rivaux en quête du pouvoir. Mais les guerres, surtout les guerres civiles, constituent aussi une occasion de dominer par la terreur, ou carrément d’éliminer, des couches entières de la population, sous prétexte de sécurité nationale.
En matière de réfugiés dans le monde, il existe une donnée fondamentale souvent passée sous silence ou oubliée : contrairement aux réfugiés qui arrivent chez nous, la très grande majorité des 15 millions de réfugiés « parqués » dans les pays du Tiers-Monde sont des enfants, des femmes et des vieillards. Ces personnes font face bien souvent à toutes les formes de violence, dont l’agression sexuelle répétée dans le cas des femmes.
Les régimes politiques dictatoriaux (de structure fasciste, communiste ou militaire) n’ont pas besoin de la guerre pour imposer un système répressif axé sur le contrôle autoritaire et l’utilisation de la force brutale contre les classes les plus progressistes du pays, surtout contre tout membre d’un groupe organisé pouvant constituer une menace directe ou indirecte pour le régime en place, comme les organisations syndicales. On assiste, dans ces derniers cas, à l’émergence de la violence érigée en système politique. Seules les personnes qui ont vécu sous de tels régimes peuvent comprendre le climat généralisé de terreur et de méfiance qui s’installe chez les gens.
Voici le témoignage d’une psychiatre uruguayenne qui a vécu directement ce régime de peur :
« Les choses avaient vraiment changé. On ne pouvait plus se promener
tranquillement dans la ville. Il devenait dangereux de sortir sans papiers.
Déjà, nous regardions différemment nos voisins, toute personne de notre
connaissance (…) Le soupçon, la peur, la crainte de la dénonciation nous
envahissaient peu à peu. »
Parmi l’arsenal des moyens très sophistiqués visant le contrôle politique, la torture sous toutes ses formes est largement répandue. Amnistie Internationale trace chaque année la liste interminable des pays qui ne respectent pas les règles élémentaires de justice naturelle, violent les droits humains fondamentaux et pratiquent la torture sur des prisonniers politiques.
Un de mes collègues d’origine salvadorienne, psychologue de formation, a fait un stage dans une prison d’état du Salvador, il y a quelques années. À ce titre, il avait le droit de circuler aussi dans la section des prisonniers politiques qui était bien garnie. Il m’a assuré que le viol comme moyen de torture était couramment pratiqué, non seulement sur les femmes mais aussi sur les hommes, dans un contexte de dérision et dans le but de les casser.
Une autre technique largement utilisée pour briser la résistance des prisonniers politiques, c’est de torturer un enfant ou une femme pour obtenir l’aveu du père ou de l’époux. Il y a aussi le recours à des haut-parleurs pour amplifier les cris des victimes de torture et ainsi terroriser les autres prisonniers. Malheureusement, ces choses ne se passent pas exclusivement dans des films d’espionnage, mais dans la vraie vie et parfois pas très loin de chez nous.
LUNDI 23 AOÛT 2010
VIOLENCE vs RÉFUGIÉS - 3e partie
LE RÉFUGIÉ : UN PRODUIT DE LA VIOLENCE ORGANISÉE
Le réfugié est avant tout une victime de la violence réelle ou potentielle.
On pourrait discourir longtemps sur les causes qui ont provoqué l’aberrant renversement de situation où les victimes de violence sont perçues parfois elles-mêmes comme un danger public, en d’autres mots comme des gens qui nous font…violence!
Pourtant, seul l’aveuglement pourrait nous faire banaliser la situation des réfugiés et faire oublier le fait fondamental que la grande majorité d’entre eux sont d’abord et avant tout des personnes qui ont fui un danger bien réel. Rarement, ils ont pu éviter pour eux-mêmes la violence physique ou morale, en se sauvant de façon préventive. Mais, même dans ces cas, la violence a frappé durement leur famille immédiate, leurs amis, etc. La plupart du temps, cette violence était organisée en système puissant, laissant peu de possibilités de défense : ils ont dû faire face à la « persécution politique » et parfois même à la « torture ». Ces derniers termes évoquent une violence qui perdure et qui s’acharne : la « persécution » consiste en un « traitement injuste et cruel infligé avec acharnement », alors que la « torture » est une « peine grave, (un) supplice pouvant entraîner la mort ». Il faudrait ajouter que les tortionnaires d’aujourd’hui ont appris des techniques hallucinantes pour essayer d’atteindre et d’anéantir l’esprit par les souffrances du corps; même la science leur vient puissamment en aide!
Au cours de ses vingt années d’intervention sociale auprès des nouveaux arrivants dont une grande partie était des réfugiés, Giovanni Fiorino a souvent été l’ « oreille compatissante » pour de nombreux individus ou familles ayant subi des violences à peine croyables pour quelqu’un qui vit dans un pays démocratique comme le nôtre.
Qui, au Québec, n’a pas entendu parler de Carmen Quintana, cette jeune Chilienne qui avait été aspergée d’essence et transformée en torche humaine par des militaires haineux ? Grâce, entre autres, à l’aide des Québécois, cette jeune fille a survécu à ses blessures.
SAMEDI 21 AOÛT 2010
VIOLENCE vs RÉFUGIÉS - 2e partie
…ET LES RÉFUGIÉS
« Réfugiés », voilà un autre mot qui est devenu familier à la plupart des Québécois, grâce surtout aux médias tant électroniques qu’écrits. Mais il s’agit d’une autre réalité qui ne se laisse pas facilement déchiffrer par le commun des mortels. On entend souvent parler de vrais et de faux réfugiés…
Tantôt on nous présente les réfugiés comme des victimes innocentes, tantôt comme des abuseurs de notre grande générosité…tantôt comme des personnes valeureuses et héroïques, tantôt comme des êtres dépendants, gâtés, et fraudeurs. Il y a quelques années, le sort des « réfugiés de la mer » du sud-est asiatique avait suscité au Québec un mouvement massif de sympathie et de solidarité; aujourd’hui se dessine de plus en plus un certain courant d’opinion publique qui assimile allègrement la venue des réfugiés chez nous à une espèce de fléau dont il faudrait se protéger à tout prix.
Pour nous y retrouver, contentons-nous pour l’instant du sens général du mot « réfugié ».
« Réfugié : se dit d’une personne qui a dû fuir le lieu qu’elle habitait afin
d’échapper à un danger (guerre, persécution politique ou religieuse, etc.). »
Il y a donc deux sortes de réfugiés : ceux qui sont victimes de désastres naturels ou de guerres généralisées et ceux qui sont victimes de persécution personnelle. La Convention des Nations Unies sur les réfugiés vise ces derniers, mais dans les faits le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés aide aussi les autres groupes de réfugiés. Le Canada a pris des engagements légaux envers les réfugiés qui répondent à la définition de la Convention de Genève, laquelle statue que le réfugié est
« (une personne) qui craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race,
de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe
social ou de ses opinions politiques (…) ne peut ou, du fait de cette crainte,
ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».
JEUDI 19 AOÛT 2010
VIOLENCE vs RÉFUGIÉS - 1e partie
VIOLENCE
Le mot « violence » est partout dans mes écrits.
« ce vocable inonde notre quotidien, on en parle constamment, bien secondé en
cela (…) par les médias. Ceux-ci, bien équipés, sans cesse sur le qui-vive,
contribuent à rendre le phénomène omniprésent, trop souvent même menaçant ».
Mais la réalité évoquée par ce terme n’est pas facile à cerner et l’analyse conceptuelle et théorique présente des embûches de taille.
Dans le cadre du présent texte, mes préoccupations se situent à un niveau proche de mon expérience professionnelle auprès des réfugiés. Il convient cependant de rappeler d’abord le sens général du mot « violence ».
Ce mot évoque des notions comme : attaque, virulence, démesure, brutalité, contrainte, abus, hostilité, agressivité, guerre…L’idée contraire est exprimée par les mots : douceur, mesure, calme, paix. De fait, les auteurs s’entendent pour dire que si tout homme possède un « instinct inné d’agressivité », cette agressivité peut dégénérer en violence lorsqu’il y a débordement d’émotions, de passions. Face à cette violence, nous sommes amenés à l’une ou l’autre des réactions suivantes : la fuite ou la contre-attaque.
Les expressions de la violence prennent la forme d’agressions psychologiques, physiques et sexuelles. La violence intrafamiliale et celle contre les femmes en général sont le plus souvent étudiées, alors qu’il n’existe que peu de littérature sur la violence subie par les réfugiés.
Publié par Eddy J. Constant Pierre